ON EN PARLE

Classé X

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Numéro 519
juin 2023

Le Brexit n'aura pas eu que des conséquences politiques et économiques : pour peu que nous ne l'ayons jamais fait (si, si, c'est possible…), il nous aura aussi amenés à réfléchir à la prononciation, ô combien capricieuse et aléatoire, du « x » en français !

Voilà en effet une lettre qui, quand elle ne demeure pas muette — c'est souvent le cas, mais pas toujours, en fin de mot (chevaux, heureux, perdrix), — se prononce de multiples façons que l'air du temps n'hésiterait pas à qualifier de « diverses et variées » : comme un « s » (six, dix, coccyx), comme un « z » (dixième, deuxièmement), mais le plus souvent [ks] (toujours, même, à l'intérieur d'un mot) ou [gz]. La principale pierre d'achoppement, fort heureusement émoussée par la force de l'habitude, portait jusqu'ici sur le « x » du préfixe ex-, prononcé sourd devant une consonne (excessif, excitation, expert, externe), sonore devant une voyelle ou un « h » muet (exact, exhalaison, exécrable, exhérédation, exigu, exhibition, exotique, exhortation, exubérant, exhumation).

Force est pourtant de reconnaître que l'indulgence règne de plus en plus dans nos dictionnaires : prononcer aujourd'hui exécrable comme excessif ne vous couvrira plus d'opprobre. Le TLFi (Trésor de la langue française informatisé) va jusqu'à voir dans la prononciation félonne d'hier le moyen de marquer l'emphase, le [ks] permettant de mieux détacher le préfixe du reste du mot pour le mettre ainsi en… exergue ! De même, le temps n'est plus où le puriste Jean Girodet pouvait s'emporter sans retenue contre la prononciation sonore d'exsangue, insulte à la règle susmentionnée, à l'étymologie et, au bout du compte, à l'orthographe, le « s » payant souvent de sa disparition les pots cassés. Enfin, pour un xénophobe qui se siffle sonore, combien de xérès et de xylophones qui vous laissent le choix ?

Le Brexit dont nous parlions représentait pour sa part un cas de figure des plus intéressants. Le « x » placé entre deux voyelles se trouvant au cœur du mot, c'est la prononciation [ks] qui se devrait de tenir la corde, ce qu'elle fait d'ailleurs. Mais le vocable en question étant en réalité un mot-valise (British + exit), il ne serait pas scandaleux, bien au contraire, qu'il fût influencé par l'exit latin, que nous lisions [eg-zit] dans nos petits classiques du théâtre, chaque fois qu'un personnage quittait la scène pour regagner la coulisse.

Bref, on l'aura compris, c'est une fois de plus « comme on le sent », un peu à l'image, d'ailleurs, de ce qui se passe en anglais, où exit se dit [ek-sit] au Royaume-Uni, mais plutôt [eg-zit] outre-Atlantique. Aussi bien, aller chercher des crosses à qui que ce soit sur des détails de cette nature n'est plus vraiment dans l'air du temps : c'est qu'on aurait vite fait de se voir taxer de glottophobie !