ON EN PARLE

Le retour du vinyle

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Numéro 515
février 2023

Il n'a été question que de cela ou presque durant les fêtes de fin d'année : le vinyle a de nouveau envahi les bacs ! L'auteur de ces lignes mentirait s'il vous disait que la chose lui a déplu. C'est qu'il fallait être singulièrement naïf et faire bon marché de la nostalgie pour ne pas deviner que nous reviendraient tôt ou tard, tels des boomerangs, les encombrantes pochettes 33 tours, le bras articulé et autres contraintes du passé sans lesquelles le mythe apparaîtrait désespérément nu. Il est des choses qui valent autant par le cérémonial qui les entoure que par elles-mêmes !

Gageons que ce retour en force aura également ravi les professeurs de lettres dont j'ai eu l'honneur, dans une autre vie, de faire partie. On sait que ceux-là n'ont souvent de cesse, à l'heure d'affronter ces têtes que l'on s'entête à trouver chères et blondes, qu'ils ne renouvellent leur stock d'exemples de figures de style. En voilà justement un rêvé pour illustrer cette variété de métonymie qui permet de désigner l'objet par la matière qui le constitue ! Autrement d'actualité, en tout cas, que le fer pour le glaive… Autrement original, dans les semaines qui suivent une Coupe du monde, que le cuir pour le ballon rond…

Mon enthousiasme n'eût donc pas connu de bornes si, plus souvent qu'à son tour, ledit vinyle ne nous revenait, hélas ! amputé de son « e ». Certes, la chose ne date pas précisément d'hier : nous la dénoncions déjà avec force il y a quelque quinze ans, feignant de nous étonner que l'on pût faillir aussi lamentablement après avoir réussi le tour de force de mettre le « i » et le « y » dans le bon ordre ! Mais, pour tout dire, nous voulions croire que cette éclipse de quelque vingt-cinq ans aurait incité chacun à rendre à l'intéressé ce « e », final autant que muet, qu'il doit étymologiquement à l'éthyle.

Que nenni ! Nous avons même relevé — horresco referens — dans les colonnes belges du Soir, pourtant réputées plus exigeantes que les françaises pour tout ce qui touche à la pureté de notre langue commune, ce constat des moins orthodoxes : « Le retour du vinyl n'est plus à démontrer. En 2016, il s'est vendu en Belgique 267 000 disques vinyls 33 tours contre 63 000 cinq ans plus tôt. » Ce à quoi fait ainsi écho le site tout aussi respecté de la RTBF : « Pour respecter la planète, vous êtes pour le streaming ou le retour du vinyl ? »

Tout le monde aura compris que nous souffrons là d'une nouvelle bouffée anglomaniaque, à laquelle la Toile, fidèle à son géotropisme anglo-saxon, s'abandonne sans remords excessif. Cela dit — et « à date », comme on dit encore en français d'aujourd'hui, nos dictionnaires font de la résistance : pas trace de « vinyl » ni chez Larousse ni chez Robert, ni même dans le Dico des éditions Garnier, émanation papier d'un Wiktionnaire autrement réceptif aux gadgets d'outre-Manche. Combien de temps tiendront-ils ?