ON EN PARLE

Cet « h » est sans pitié !

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Numéro 485-486
mai-juin 2020

Il n'y a pas que l'orthographe pour nous compliquer la vie avec ses règles. Celles de la prononciation ne sont pas davantage respectées, au risque de confusions loin d'être toujours anodines. Témoin cette phrase entendue au vingt heures de France 2, il y a quelque dix ans : « Tandis que Nicolas Sarkozy joue l'apaisement, son ministre de l'Immigration est tué à la tribune. » D'aucuns se seront d'abord demandé, ce soir-là, comment une information de cette nature pouvait être débitée sur un ton aussi neutre. Avant de comprendre que le ministre de l'Immigration en question (un certain Éric Besson, vous vous souvenez certainement) avait seulement été... hué, ce qui, à l'Assemblée, relève déjà moins du sensationnel. Mais c'est égal : il avait suffi d'une journaliste peu inspirée et d'un « h » pas plus aspiré pour qu'un ministre fût tout près d'expirer !

Profitons-en pour rappeler au passage que si, en français, les « h » qui ne sont pas muets n'ont d'aspiré que le nom, ils n'en interdisent pas moins liaison et élision. Partant, on ne devrait jamais entendre parler des « z'handicapés », pas plus que de la lutte contre « l'handicap ». Nos oreilles, et parfois même nos bouches, en sont pourtant pleines. À l'inverse, et à force d'entendre évoquer « le auvent » que nos caravaniers montent dès leur arrivée au camp et « la anse » du sac que, dans la foulée, ils vont remplir à la supérette du coin, on se demanderait si ces derniers ne les gratifient pas d'un « h » aussi intempestif qu'incongru ! S'entendre réclamer quatre-vingts ou trois cents « heuros », sans liaison aucune, est également, si j'ose dire, monnaie courante. Mais il y a gros à parier, dans ce cas, que la responsabilité soit plus à chercher du côté de l'orthographe du numéral que de celle du nom qui suit !

Autant vous rassurer sans tarder : il est rare que de telles méprises donnent lieu à un contresens aussi dommageable que celui qui inaugure cette chronique. La plupart du temps, les plus sensibles d'entre nous en sont quittes pour un grincement de dents, ce qui, heureusement, n'a jamais tué personne.

Il n'empêche que notre langue, là comme ailleurs, n'aura pas hésité à multiplier sous nos pas les chausse-trapes. L'esprit de famille, par exemple, est une valeur qui, de toute évidence, ne la guide pas prioritairement. Sinon, elle n'aurait jamais décrété que le héros serait le seul de la sienne (héroïne, héroïsme et héroïque permettant liaison et élision) à demeurer aspiré. Influence de l'homonyme héraut ou crainte qu'au pluriel prononcer « les z'héros » ne fasse perdre aux intéressés beaucoup de leur superbe, allez savoir ! Elle n'aurait pas non plus souffert que « l'huis », la porte d'hier (et non « de hier ») devînt à l'occasion « le huis clos ». De même, la règle qui nous oblige à écrire qu'une personne de notre entourage est « tout heureuse et toute honteuse à la fois » (l'adverbe s'accordant ici et restant invariable là) doit nous valoir l'admiration — et l'incompréhension — de plus d'un étranger qui ambitionne de l'apprendre !

Pour le reste, il nous faudra sans doute, vaille que vaille, attendre des chiens qu'ils « z'hurlent » de plus en plus à nos oreilles, nous accommoder de ces tentatives « d'harcèlement » qui polluent l'entreprise comme de ces « z'homards » qui ont tué pour de bon, eux, François de Rugy. Avaler comme une couleuvre, même, « l'hernie » hiatale responsable de nos dyspepsies. Quant à Halloween, on ne sait plus très bien, puisque « l'halloween » de Robert répond à « la Halloween » de Larousse. Le mieux serait encore de revenir à la Saint-Martin d'antan, qui, en dépit des deux majuscules et du trait d'union, nous posait moins de problèmes !