Le livre du jour

LE PRÊT-À-PARLER

par Pierre Merle
Éditions Plon
192 p., 110 F

La vérité si je mens : s'il fallait, ce qu'à Dieu ne plaise, ne lire qu'un ouvrage de Pierre Merle, ce serait celui-là. Pouvait-on rêver, en effet, panorama langagier plus documenté que ce voyage au pays de nos tics verbaux ? Du jargon des « années branchées » à celui, encore balbutiant, de l'Internet, en passant par la langue rock, le politiquement correct et l'indéracinable verlan, rien n'échappe à notre spécialiste de la tchatche tous azimuts et ce sont vingt années de notre vie que nous redécouvrons – pardon, revisitons – par le biais de ces formules aussi vides de sens qu'elles nous paraissent riches, avec le recul, de poésie involontaire. Faut-il préciser que l'on rit beaucoup en chemin, et pas seulement des personnages mi-paumés, mi-attendrissants, dont le dessinateur Bruno Dollone peuple les bas-côtés ? C'est que tous ces clichés, s'ils nous confortent dans la dérangeante idée qu'en matière de langage nous n'avons rien à envier aux moutons d'un certain Panurge, charrient, qu'on le veuille ou non, une part de nous-mêmes (on a failli écrire qu'à la limite ils nous interpellaient au niveau du vécu !) : on ne les retrouve pas sans un brin de nostalgie, tels de lointains parents que l'on aurait un temps perdus de vue. Bref, on l'aura compris, ce n'est pas ce Prêt-à-parler qui nous donnera l'occasion de tailler enfin un costard à l'auteur...