Le livre du jour
LA PRUNELLE DU CHAT
par Pierre Merle
Éditions Joëlle Losfeld
174 p., 15 €
À force de scruter les mots des autres — l'auteur ne passe-t-il pas pour l'un des plus fins observateurs de nos habitudes langagières ? —, on finit, c'est humain, par avoir envie de jouer avec eux pour son propre compte. La récréation, au demeurant, n'est pas sans risque : existe notamment celui que le lecteur veuille à tout prix retrouver, ce nouvel ouvrage se présentât-il comme un roman, le Pierre Merle qu'il connaît ; qu'il traque à son tour le chasseur de vocables, dans le secret espoir de le prendre en flagrant délit d'ostentation. Le ferait-on ici que l'on en serait pour ses frais. Ce « chat »-là, n'en déplaise aux plus branchés des internautes, se prononce bien à la française. Il ne révèle rien d'autre qu'un écrivain ordinaire, ce qui, eu égard à ce qui précède, nous semble, une fois n'est pas coutume, le plus beau des compliments. On se noie dès les premières pages, et sans la moindre arrière-pensée, dans le regard meurtri du héros. Cette prunelle-là, qu'un accident de jeunesse a rendue féline, est bientôt la nôtre. Pour un peu, et tant pis pour le cliché, nous y tiendrions comme à celle de nos propres yeux, tant elle véhicule de blessures et de frustrations. De tendresse aussi, quand elle serait le plus souvent tapie derrière la verdeur du propos. Ça aussi, c'est humain. À force de scruter les mots des autres, on finit par y verser de la poésie.