Quand le Petit Larousse illustré
prend Lacroix pour bannière...
L’édition du centenaire : du cousu main !
1er juillet 2004
Est-ce là façon d’insinuer que le Petit Larousse illustré se veut, pour ses pairs, un modèle ? Que l’on peut, sans crainte d’être déçu, l’examiner sur toutes les coutures ? Toujours est-il que c’est au styliste Christian Lacroix qu’il a été demandé, cette année, en créant couverture et lettrines, d’ajouter son grain de sel — de folie ? — à ceux que, depuis cent ans, la célèbre semeuse due à Eugène Grasset disperse à tout vent. C’est dire si, chez Larousse, ne subsiste plus guère l’appréhension d’être assimilé à un phénomène de mode ! Encore moins de prendre une veste : le dernier-né serait, de source bien informée, à l’origine d’un million de clones, un tirage jamais osé jusqu’ici.
Petit Larousse est devenu grand
Autre message fort délivré lors de la cérémonie d’anniversaire, laquelle s’est tenue mardi soir — tout un symbole — dans la « Grande Galerie de l’évolution » du Muséum national d’histoire naturelle : quand on se défendrait difficilement, après ce siècle d’existence, de passer pour un dinosaure de l’édition française, il ne saurait être question pour autant de jouer les fossiles. S’il reste de bon ton de verser une larme sur le tout premier dictionnaire, celui qu’a dirigé Claude Augé (un passionnant cahier de trente-deux pages lui rend d’ailleurs un hommage mérité dans la version d’aujourd’hui) ; de s’extasier sur la richesse et la touchante naïveté de ses dessins et gravures ; de sourire d’expressions qui, depuis lors, ont évidemment « filé leur nœud » (ont disparu), on n’en constate pas moins rapidement que, pour n’être pas tombé, à l’époque, sous la coupe de Christian Lacroix, c’est plutôt cet ouvrage-là qui avait la taille mannequin. Il suffit de feuilleter son lointain descendant pour s’apercevoir que le produit ne s’est pas seulement enrichi (quinze millions six cent mille signes au dernier pointage !), il est devenu infiniment plus qu’un simple dictionnaire : une authentique œuvre d’art, un régal pour les yeux, un passeport pour le rêve...
Mieux que l’Académie !
Pour la postérité, aussi, car le Petit Larousse c’est encore, de l’autre côté des pages roses, un panthéon très couru qui, chaque année, entrebâille (chichement) ses portes pour une poignée d’« entrants ». Il fallait voir le professeur Cabrol ouvrir son cœur et disséquer avec humour l’émotion qui fut la sienne quand il sut qu’il faisait partie des nouveaux élus ; le glaciologue Claude Lorius fondre à son tour et avouer tout de go que, pour ses petits-enfants comme pour sa femme, l’immortalité de l’Académie n’était rien auprès de celle que confère le Petit Larousse ! Quant à Jacques Dutronc, s’il n’était pas de la fête qu’animèrent, de tout leur... chœur, les protégés de Gérard Jugnot, nul doute qu’il ne se soit senti flatté d’apprendre que le millésime 2005 compterait désormais quelque vingt-huit mille noms propres... et lui, et lui, et lui !