Les défenseurs de la langue française sont en colère
Ceux qui ont dit non... à l’anglomanie
février 2000
Trop, c’est trop ! À deux pas des Invalides — un symbole, déjà ? — la langue française criait ce mercredi son désespoir et sa révolte. Le député-maire de Maisons-Laffitte, Jacques Myard, qui a fait de la défense de la susdite son cheval de bataille, avait en effet convoqué à l’Assemblée nationale le ban et l’arrière-ban de ces irréductibles — parlementaires mais aussi juristes, économistes, chercheurs, syndicalistes, écrivains, auteurs-compositeurs — qui résistent encore et toujours à l’envahisseur...
Les raisons de la colère ? Les humiliations, quasi quotidiennes, que le français essuie jusque sur son propre sol. C’est le ministère de la Défense qui organise, à l’École militaire, un colloque... dans la langue de Shakespeare : messieurs les Anglais, parlez les premiers ! C’est l’Assistance publique des Hôpitaux de Paris qui, peu soucieuse de tirer sur une ambulance — elle en a vu d’autres —, décide de refuser les travaux de recherche rédigés en français.
Carpette anglaise ?
C’est le P.-D.G. de Renault, M. Louis Schweitzer, qui se voit décerner le prix de la Carpette anglaise 1999 pour avoir imposé l’usage de l’anglo-américain dans les comptes rendus des réunions de direction de sa firme : monospace, monolinguisme, même combat ! Jusqu’à ce journal que, peut-être, vous aviez l’habitude d’arracher au présentoir d’un Relais H et que vous devez, depuis peu, à un Relay rien moins qu’hexagonal...
On l’aura compris, l’heure n’est plus à l’ergotage sur le franglais : c’est la survie même du français en tant que langue internationale qui, désormais, est en cause. Au-delà, la sauvegarde de notre identité culturelle dans un monde qui, sous le couvert du réalisme économique, s’américanise chaque jour un peu plus...
Les responsables ? Au premier chef (car l’exemple, en l’occurrence, devrait venir d’en haut), les pouvoirs publics, accusés de s’abriter derrière le paravent faussement gratifiant de la francophonie : en réalité, « c’est Vichy tous les jours », dénonce Philippe de Saint-Robert, qui s’offre le luxe de citer François Mitterrand (« Un peuple qui perd ses mots n’est plus entendu de personne ») pour mieux s’étonner de l’immobilisme de ses héritiers. Comment faire grief aux hauts fonctionnaires de leur propension au « tout-anglais » quand, souligne le Manifeste de la langue française en colère rédigé pour l’occasion, « un ministre parle anglais dans la cour de l’Élysée, comme un autre à Ottawa ou à Shanghai dans une classe de français » ?
Refuser le fatalisme
Dans le collimateur encore, nos élites culturelles, lesquelles, loin de toujours chercher à promouvoir notre modèle, se laissent volontiers gagner par cette « encéphalopathie anglophone humaine » qu’est la mondialisation. Le sénateur Jacques Legendre, à qui revint, ainsi qu’à Georges Hage, de faire entendre la voix du Nord, eut beau jeu de s’interroger sur le bien-fondé de l’exception culturelle, dès lors que ceux qui sont censés en bénéficier ne dédaignent pas (n’est-ce pas, Luc Besson ?) de tourner leurs films en anglais...
Mais qui ne verrait que chacun de nous, par son indifférence, a sa part dans ce désastre national ? En rappelant, à la suite du général de Gaulle, que « rien n’est jamais perdu pour un peuple s’il ne se laisse pas aller au faux fatalisme de l’histoire », nul doute que les signataires du manifeste n’aient voulu signifier qu’à la langue unique comme à la « mortelle abolition des différences », il était encore temps de dire NON.
Et en français, bien sûr.