Finale nationale 2014 des Timbrés de l'orthographe
Beaucoup plus qu'une simple dictée,
un manifeste à la gloire de l'orthographe !
15 juin 2014
Chacun connaissait le cancre de Prévert, celui qui, « avec les craies de toutes les couleurs, dessinait sur le tableau noir du malheur le visage du bonheur ». Il y aura désormais le cancre de Daniel Picouly !
On savait que le bougre avait été longtemps brouillé avec la dictée. On pouvait se douter que cette finale nationale des Timbrés de l’orthographe, quatrième du nom, lui serait l’occasion d’une revanche, ô combien inespérée, sur le passé : lui, le paria d’hier, l’abonné au zéro pointé, soumettant à la question les forts en thème d’aujourd’hui ! Entendez par là les quelque cinq cents finalistes, parmi lesquels cinquante-deux de notre région, la troisième par l’importance de la représentation après l’Île-de-France et la Bretagne... Reste à savoir combien, sur ces cinq cents partis, seront réellement arrivés au port : il se peut en effet que plus d’un se soit vu contraint de renoncer, le ministre de l’Éducation nationale, Benoît Hamon, n’ayant mesquinement annoncé des mesures de clémence que pour les retards... au bac ! Ne faudra-t-il pas songer, l’an prochain, à troquer le partenariat de La Poste contre celui de la SNCF ?
Quoi qu’il en soit, les absents auront eu tort : voilà un texte qui, à n’en pas douter, fera date. Non qu’il ait semblé difficile aux athlètes du dictionnaire surentraînés qui occupaient les travées du théâtre de l’Alliance française, à Paris : les « succubes désenchantés », la « flaccidité », la « guerre picrocholine », la « vaticination », l’« éréthisme » auront effrayé — c’est dans l’ordre — le commun des mortels, mais certainement pas ces cracks triés sur le volet. Pour les prendre en défaut, il eût fallu un peu plus de vice grammatical, ou encore quelques-uns de ces jeux de mots tirés par les cheveux dont Bernard Pivot avait le secret. Mais on comptait visiblement sur le questionnaire à choix multiple proposé, peu auparavant, par Frédérick Gersal pour éclaircir le troupeau des ex aequo...
En revanche, littérairement parlant, quel beau texte ! Peut-on imaginer chute plus poétique que ce « collier de rêves que les zéros d’antan passaient [au] cou » de l’écrivain ? L’auteur de ces lignes en est encore tout chose...
Surtout, quelle éclatante réponse à tous ceux qui versent des larmes de crocodile sur les traumatismes que leur aurait fait subir la dictée de jadis ! Oui, le « dithyrambe » a désormais remplacé la « diatribe », la « correction positive » le « barème décourageant », l’« erreur » la « faute ». Il est pourtant significatif que l’un de ceux dont on fait régulièrement des martyrs ne s’en réjouisse pas outre mesure : Daniel Picouly a heureusement compris que c’est dans l’adversité que se forgent les caractères, et que les meilleurs souvenirs ne sont pas toujours, il s’en faut, ceux des jours heureux...
Retrouvez cet article (avec la photo qui l'accompagne) dans sa présentation originale, tel que La Voix du Nord l'a publié.