ENTRE TERRE ET MER, DE BERLIN À COPENHAGUE

Une odyssée qui regorge de sirènes

supplément du 3 septembre 2017

Celle de Mona Lisa ne se sera fait entendre que de loin en loin : quelque péniche à croiser quand les berges se resserrent, quelque passager à qui rappeler, couleur locale oblige, qu'il se trouve bien sur un bateau, quand la placidité propre à cette croisière essentiellement fluviale tendrait à le lui faire oublier...

Celles de Berlin, où le voyage prenait sa source, n'ont heureusement pas attendu Maxence Van der Meersch pour se taire. Tout est d'ailleurs fait, céans, pour ne pas les réveiller, et avec elles les plaies cruentées d'une histoire récente. Certes, le Mémorial aux juifs d'Europe assassinés, de ses 2711 stèles de béton, enferme l'humanité dans le labyrinthe de ses éternelles turpitudes. Certes, pour qui sait baisser la tête, le pavé exhibe encore la cicatrice sinueuse du Mur de la honte. Et si, par ce ciel bas et lourd qui pèse comme un couvercle, l'imposante silhouette du Stade olympique nous semble à ce point lugubre, ce n'est pas seulement au mémorable coup de boule de Zidane qu'elle le doit : les vieux démons de l'impérialisme nazi peuplent encore les lieux. On n'en a pas moins ostensiblement et, chacun l'espère ici, définitivement tourné la page. Cette cité immense comme huit fois Paris, qui est aujourd'hui redevenue la capitale incontestée de toute l'Allemagne, respire, de tous ces poumons que constituent ses 40 % d'espaces verts, la joie de vivre, de se cultiver et d'entreprendre. À ce rythme, nul doute que l'ours, symbole de la ville depuis toujours, ne soit bientôt contraint de rentrer les griffes et de céder la place au débonnaire panda, star indéboulonnable d'un zoo qui mérite amplement le détour !

La patrie du bonheur

Quand l'amour confinerait quelquefois à la rage (il n'est pas rare que l'infortunée se voie amputer d'un bras, décapiter, voire, plus pacifiquement, affubler d'un soutien-gorge), celle de Copenhague continue en revanche de charmer les Ulysses de toutes nationalités qui font la queue autour de la sienne. Il est vrai qu'elle n'y est pas peu aidée par un environnement béni des dieux. La capitale danoise — nul besoin, en ces lieux, d'alerte à la pollution ni de vignette — n'est pas moins aérée que sa consœur teutonne, et l'embouteillage est en passe, ici plus encore que là, de devenir une curiosité d'un autre âge ! Quoi qu'il en soit, on comprend mieux, à parcourir cette ville attachante et vivante qui ne se résume pas, il s'en faut, à ces hauts lieux du tourisme international que sont le Nouveau Port et le parc d'attractions des Jardins de Tivoli, pourquoi, avant d'abandonner récemment la plus haute marche du podium à leurs voisins norvégiens, les Danois étaient régulièrement présentés comme le peuple le plus heureux du monde. Beaucoup moins pour quelle raison, et au prix d'un improbable paradoxe, ils comptent aussi parmi les consommateurs d'antidépresseurs les plus assidus ! Mais peut-être que tant de bonheur se révèle lourd à porter ?

 

Retrouvez cet article (avec les photos qui l'accompagnent) dans sa présentation originale, tel que La Voix du Nord l'a publié.