ENTRE TERRE ET MER, DE BERLIN À COPENHAGUE

Un roman-fleuve signé CroisiEurope

supplément du 3 septembre 2017

S'il est des destinations — exotisme oblige — qui claquent au vent de nos fantasmes, il en est d'autres qui font davantage dans la discrétion et la sobriété. À quiconque cède moins à la paille des mots qu'au grain des choses, celles-ci ne sont pourtant pas plus avares de belles surprises que celles-là...

A priori, c'est vrai, la Havel et l'Oder ne promettent pas le même dépaysement que le Mékong. Quant à la Baltique, ce « lac mégalomane » au dire de guides que leur naturel, d'ordinaire, inclinerait plutôt à l'emphase, reconnaissons sans fausse honte qu'elle parle moins à l'imagination que la baie d'Along !

Oui, mais voilà : le bateau qui vous emporte est, ici comme là-bas, aux couleurs de CroisiEurope, référence ultime en matière de croisières. Il faudrait, c'est sûr, que ce Mona Lisa bombât le torse pour nous faire oublier le pittoresque Indochine lequel, un an après, hante encore nos nuits au point de nous les faire partager, en toute simplicité, avec une certaine Catherine Deneuve ! Mieux vaudrait d'ailleurs que le drôle ne s'y risquât pas, les nombreux ponts bas de plafond l'obligeant ici à une stricte et sage platitude...

Allez pourtant vous embarrasser du flacon dès lors que l'ivresse demeure : le cocktail de bienvenue n'a pas été servi qu'il vous tarde déjà d'emprunter l'impressionnant ascenseur à bateaux de Niederfinow, de chercher la rédemption dans les austères couloirs du monastère cistercien de Chorin, de vérifier que le charme de la si polonaise Szczecin s'apprend autrement vite que son orthographe, d'embrasser l'immensité du haut des falaises de craie de l'île de Rügen, de flâner dans les venelles pimpantes de Greifswald, de vous inventer un rôle au sein de la ligue hanséatique dans le décor ô combien évocateur de l'altière Stralsund, son écrin naturel.

Une chère exquise

En même temps, comme dirait un de nos infortunés dirigeants que son absorbante fonction a contraint à se satisfaire cette année du « ferry-boîte » marseillais et du petit train du Touquet, il n'y a pas le feu au fleuve : tout viendra à point nommé, avec ce qu'il faut, çà et là, de pauses, d'animations et de soirées de gala pour que jamais le parcours ne s'apparente, ni de loin ni de près, à celui du combattant !

Quand nous nous verrions accuser pour la circonstance de ne pas perdre le nord — élémentaire précaution, au demeurant, pour un chti —, il serait des plus injuste de passer sous silence les haltes, quasi gastronomiques, dans la salle à manger du bord. Car la chère, ici, ne saurait être réservée aux yeux : si la croisière se déguste, c'est au propre autant qu'au figuré ! Une chose est certaine : pour œuvrer dans un tel raffinement, le maître queux (magyar, paraît-il) ne se sera pas laissé longtemps distraire, lui, par le paysage, si enchanteur soit-il...

 

Retrouvez cet article (avec les photos qui l'accompagnent) dans sa présentation originale, tel que La Voix du Nord l'a publié.