L'instrument du XXIe siècle ?
hors-série du 17 février 1999
Ringard, l'accordéon ? Condamné, ad vitam æternam, à occuper le dernier rang de la classe musicale ? Rien n'est moins sûr...
Hormis les préjugés, en effet, on voit mal ce qui pourrait empêcher l'intéressé de gagner enfin ses galons d'instrument à part entière. Le drôle est jeune — si le principe de l'anche libre, sur lequel il repose, était déjà connu des Chinois il y a deux mille ans, l'accordéon n'a vu le jour qu'en 1829, en Autriche — et, c'est vrai, il n'a pas toujours su se garder des erreurs inhérentes à cet âge : esthétique longtemps discutable, fréquentations douteuses rue de Lappe, oreille volontiers complaisante aux sirènes du commerce (des fabricants n'hésitant pas à le désaccorder pour lui donner cette sonorité de bastringue que réclamait le public des guinguettes).
Mais ces péchés de jeunesse appartiennent à une préhistoire qu'il s'agit désormais de dépasser. Au nom de quel ostracisme suicidaire, en effet, la musique se passerait-elle d'un instrument aussi riche de timbres et de possibilités, au point qu'il suscite actuellement la curiosité avant-gardiste de plus d'un chercheur de sons ?
L'accordéon, dont la silhouette s'est métamorphosée (deux basses hier, jusqu'à cent quarante aujourd'hui), qui n'a cessé de se perfectionner aussi (passage du système diatonique, musicalement limité, au chromatique ; éclosion d'instruments de concert qui ont forcé la porte de certains conservatoires), n'est plus voué à l'interprétation du seul « musette ». Sans jamais renier ce dernier — lequel conserve nombre d'adeptes, comme en témoigne le succès remporté chaque semaine par l'émission de Michel Pruvot —, des musiciens confirmés comme Marcel Azzola, des ensembles symphoniques au répertoire classique, comme celui, près de nous, des Amis de l'accordéon d'Hazebrouck, s'emploient, depuis toujours, à enrichir la palette de l'instrument.
L'émergence récente et novatrice d'un Richard Galliano, nourri de jazz, va visiblement dans le même sens, et confirme le regain de faveur que connaît l'accordéon en cette fin de siècle : le soufflet, n'en déplaise à certains, n'est pas près de retomber !