Tintin au pays de... l'orthographe !

(Nivelles, 1992)

Louée sois-tu, ô Belgique, d'avoir conçu Tintin ! Les amateurs de menhirs peuvent toujours s'aligner : aucun druide, aucune potion magique ne saurait nous faire oublier les quelque seize cents pages qu'a arpentées le célèbre gazetier aux cheveux carotte... Tour à tour, nous fûmes l'égyptologue traquant les sarcophages et les macchabées momifiés ; l'humble coolie qui plie sous le faix pour quelques piécettes extrême-orientales ; le sherpa tibétain sur les traces du yéti, cette espèce de pithécanthrope pourvu d'un cœur tendre. Combien, en outre, se sont laissé gagner par le syndrome du collectionneur, révérant plus que de raison des albums à demi décrépits, entassant pêle-mêle les talismans qui font partie du culte : ici un fétiche à l'oreille ébréchée, là l'épeire diadème ou le sceptre du roi transylvain ?

Mais Tintin, c'est avant toute chose une flopée de personnages hauts en couleur qui, aujourd'hui encore, ne cessent de nous interpeller : le capitaine aux trois quarts éthylique, grand pourfendeur de bachi-bouzouks et de boit-sans-soif ; le savant dur d'oreille, qui rêvasse ou papillonne parmi les athanors, cornues et autres récipients tarabiscotés de son laboratoire ; les frères siamois, ces barbouzes qui, faute d'avoir collé les poucettes à l'infâme desperado, s'emberlificotent dans une tirade tout empreinte de psittacisme ; le majordome stylé, lequel sert, d'une main sûre, picholines et daiquiri ; la prima donna stéatopyge, qui pleure sa verroterie tout en peaufinant ses appoggiatures ; l'assureur maison, dont le baratin logorrhéique entre à grand-peine dans les phylactères usuels ; sans omettre le mâtin du héros — plus vraisemblablement un fox-terrier, attendu la taille de l'intéressé — qui, vaille que vaille, escorte son maître.

Merci mille fois, chers amis d'outre-Quiévrain, pour cet univers impitoyable, jusque sur le plan orthographique !

 

TEST

Le vieux loup de mer avait toujours associé la bouteille à l'ancre : le pulque, et surtout la tequila, lui flattait le palais ; mais au pis aller, et pour peu que la pépie s'en mêlât, il ne crachait ni sur le kummel ni sur le curaçao. Quoi qu'il en fût, il préférait de beaucoup le xérès au cherry ledit breuvage dût-il amplifier les effets du tangage, sinon déclencher les soubresauts du delirium tremens.