La tête aux carrés

(Mons-en-Barœul, 2006)

Au rebut, les rébus de nos arrière-grands-pères ! Au rancart, les labyrinthes tarabiscotés d'antan avec leurs horripilants culs-de-sac ! Au diable vauvert, les mots croisés vieux jeu et la kyrielle de clones qui leur a fait suite ! Depuis que la quasi-totalité de nos canards s'est laissé contaminer par cet autre virus, importé lui aussi d'Extrême-Orient, stylomines, stylos-feutres et stylos plume semblent ne plus vouloir aligner que des nombres. Mais le moyen, pour l'Hexagone, de dédaigner une grille aussi cotée, qu'avant lui l'Europe tout entière a dûment et éperdument plébiscitée ?

Tous, quoi qu'il en soit, se sont engouffrés sans fausse honte dans la brèche : de l'adolescent fagoté à la six-quatre-deux jusqu'au col bleu assujetti aux trois-huit, en passant par la callipyge et accorte sténodactylo, habituée des cinq à sept... Sans omettre — comme le requiert une actualité souvent brûlante — le zonard des faubourgs qui, la boule à zéro, joue les exclus et se plaint de n'entrer dans aucune case. En l'occurrence, on n'en recense pourtant pas moins de quatre-vingt-une, que s'ingénient à remplir toutes ces bonnes gens bien décidés à ne pas s'en laisser conter !

Seule, je renâcle et regimbe. J'ai toujours trouvé infranchissable le mur des chiffres. N'en déplaise à qui grommelle que c'est là l'enfance de l'art, les neuf m'usent ! Et je ne vous parle pas du dixième, ici vain, mais sur lequel s'immobilise mon trouillomètre dès qu'il me faut pénétrer de tels arcanes. Pensez : moi qui de mon numéro de Sécurité sociale n'ai jamais pu mémoriser que le deux liminaire ! Heureusement, il me reste la dictée de Mons. Qui sait ? Quels qu'en soient les subtilités et les méandres, peut-être réussirai-je, pour une fois, à m'inscrire dans le dernier carré...

 

TESTS

1) Petite leçon de phonétique à l'usage du journaliste francilien : quelque chaleureux et accessibles que s'y révèlent les autochtones, Mons-en-Barœul ne rime ni avec accueil ni avec clin d'œil. Pas davantage avec ces feuils de vernis, de si faible épaisseur. En revanche, va pour le strudel, le double-scull et les boat people !

2) Quand il serait lui aussi d'origine japonaise, il ne sied pas que vous associiez au jeu susmentionné le redouté sodoku, maladie infectieuse au même titre que la légionellose, la borréliose et la rickettsiose...