Le cercle des potaches disparus
(Nivelles, 2004)
Où s'arrêtera la télé-réalité ? Après nous avoir cloîtrés dans un loft dont seule la piscine, ou plus exactement ce qui s'y traficotait, échappait aux longueurs ; après avoir transformé le plus pantouflard des téléspectateurs en Robinson Crusoé, en l'abandonnant chaque vendredi aux iguanes, sur un îlot truffé de caméras ; après nous avoir fait pousser la chansonnette en compagnie de soi-disant stars, soupirer après les faveurs d'un fringant millionnaire, coucher avec les poules d'une ferme d'opérette que peuplaient surtout des has been, voilà qu'elle entreprend de ressusciter l'école de nos arrière-grands-mères ! « Le pensionnat de Chavagnes », ça s'appelle... et ça cartonne à l'audimat !
Sauve qui peut ! Voici revenus la blouse grise, le bonnet d'âne et, brochant sur le tout, la gouleyante huile de foie de morue... Le double décimètre aussi, qui, vu sa propension à s'abattre sur les phalanges, incitait à marcher plutôt qu'à tirer droit. Sans compter cet infâme plume dont on gratifiait les pensionnaires, et qu'il valait mieux faire au carré. Ni ces casse-tête qui enjoignaient de vider des baignoires — par bonheur, les jacuzzis n'existaient pas ! — ou d'évaluer, à cinq dixièmes de seconde près, l'heure à laquelle se croiseraient des tortillards qui n'avaient rien de trains corail. Au demeurant le martyre absolu, plus terrible que le crucifiement, l'écartèlement et la décollation réunis, restait la dictée.
En l'occurrence, la télé n'a pas innové : cela fait des lustres que sévit le pensionnat de Nivelles ! Certes, quelque tarabiscotées qu'y soient les figures imposées, on n'en occupe pas les carrées. Certes, les tabliers vintage n'y ont jamais eu cours... mais combien viennent s'y faire régulièrement blouser ? Si, dans ce saint des saints, le bonichon susdit ne trouve guère preneur — on oit forcément, chez ces cracks, moins de hi-han que d'ahans — il se trouve toujours quelqu'un pour braire contre l'imbécillité du barème. Quant aux gades que nous avons évoqués ci-dessus, avouez que leur huile ne saurait décemment provoquer autant de haut-le-cœur que ce bouillon d'onze heures... du matin !
TEST
Pour avoir son certif, il était impératif de se montrer exhaustif sur les subjonctifs, ainsi que sur les victoires remportées aux dépens des rosbifs. On sera déjà moins affirmatif pour ce qui est des hiéroglyphes et des serpents aglyphes, inoffensifs comme chacun sait.
Sont, en revanche, du ressort du seul agrégatif le système neurovégétatif, les triglyphes grecs et les suffixes inchoatifs. Pour ne point confondre sélectif et rébarbatif, on n'ajoutera à cet apéritif que l'anatife, le statif et le mastiff : aussi bien, et ça vaut également pour l'hippogriffe, vous pouvez toujours les écrire au pif !
Mais pour être ici compétitif, il faut encore connaître sur le bout des doigts ces fichus dermatoglyphes, cette espèce de leitmotiv qu'est le riff, le logogriphe, les arbres gélifs et le testament nuncupatif. Sans oublier l'hyphe — filamenteux ou filamenteuse, c'est du kif. Zéro faute ? Ça s'arrose... au beaujolpif, bien sûr !