La dictée du beffroi
(Cambrin, 2003)
Qu'on se le dise : Cambrin connaîtra au vingt et unième siècle plus de hauts que de bas ! Si, naguère, la plupart de ses fonds émanaient de son sous-sol, voilà que le pays minier relève la tête et restaure ses beffrois. Et que l'on ne voie pas là, de grâce, le moindre esprit de clocher ! Comment en soupçonner une municipalité qui, il y a quelque cinq ans, a mis sur pied un concours authentiquement international, puisque y participent les linguistes les plus cotés de France et de Belgique ? Il suffit de voir combien d'allogènes ont débarqué en éclaireurs ce matin, dès potron-minet, sur le territoire de la commune...
Pour être des battants, ceux-là ne s'accommodent qu'à demi du thème, et la cité tout entière résonne de leurs raisonnements. En fait de cloches, ne va-t-on pas les bombarder d'extravagants couvre-chefs, histoire de leur en faire baver des ronds de chapeau ? De fromages du cru, tels maroilles et vieux-lille ? De considérations douces-amères sur les affres endurées par nombre de chemineaux ? Ce qui serait plus vache encore, c'est que l'on accrochât clarines, campanes et autres sonnailles à l'encolure de bovidés exotiques : bon sang ! imaginez, ne fût-ce qu'un instant, que ce sadique donne dans le gaur !
Nenni-da ! Il sera bien question des pensionnaires de nos clochers. Des langes au poêle, ne rythment-elles pas notre existence ? Entre les fonts, qu'elles n'auront pas peu contribué à rendre sonores, et l'estrade dûment exhaussée où nous attend notre male heure, il est peu de circonstances qui ne soient égayées ou assombries par leurs carillonnements. Qu'il s'agît de conjungos ou de solennelles obsèques, se sont-elles jamais refusées à nous escorter, de traîne en thrène ? Les Saintes Écritures ne croyaient pas si bien dire : pour savoir ce qui se passe dans les cœurs, il n'est souvent que de sonder l'airain...
TEST
Ne trouvez-vous pas excédant que la cloche soit assimilée au bon à rien, à l'andouille patentée, à la cruche comme à la bûche ? Cela confine à l'imbécillité !
Qu'elle puisse passer pour un gong, soit ! Mais faire de l'infortunée un synonyme de benêt, de bêta, de bélître, voire de triple sot n'est rien moins que futé...
La preuve en est que nos pros, plutôt réglo, se sont toujours interdit ce laisser-aller qu'ils jugent complètement déb. N'a-t-on pas assez des nicodèmes, des niquedouilles et des oligophrènes ?