Des astres pour l'athénée

(Nivelles, 1999)

Quel ramdam, il y a quelque trois mois et demi, pour une malheureuse éclipse ! Les traditionnels chassés-croisés entre juillettistes hâlés et aoûtiens blafards étaient à peine achevés, au grand soulagement de Bison futé, que l'Europe tout entière se passionnait pour une rencontre autrement affriolante : celle de la Lune et du Soleil, qu'avaient prévue de longue date des éphémérides plus formelles que jamais. Des îles Britanniques à la mer Noire, c'était à qui vivrait le plus intensément l'extinction de l'orbe sacré. Combien de télescopes, de caméscopes et de longues-vues se sont ainsi approprié le ciel, de l'horizon au zénith ?

Bientôt l'engouement devint tel qu'il fallut refroidir les ardeurs de ces néophytes tout feu tout flamme. Au dire d'un quidam censé en connaître un rayon, le spectacle, pour être à l'œil, n'était pas sans danger pour la vue : à moins d'une protection ad hoc contre ultraviolets et infrarouges, mieux valait que les châsses ne fussent pas ouvertes... Du levant au ponant, on vit alors se pavaner aux étranges lucarnes, de drolatiques lunettes sur l'appendice nasal, tout ce que le continent comptait d'oiseaux de mauvais augure, de sibylles et de pythonisses. On entendit même — qui l'eût pu penser ? — des ministres enclins à promettre la lune exhorter leurs administrés à ne pas se laisser aveugler !

Les rares fovéas à n'être pas exposées appartenaient aux membres de l'A.P.T.. Non que ledit aréopage fît fi des va-et-vient célestes : l'épacte le fascine, au contraire, et chacun de ces dons Quichottes de l'orthographe a, un jour ou l'autre, entendu parler de saros. Quant aux apsides, elles ne quittent pas le chevet d'iceux. Seulement, le dictionnaire a toujours été leur univers. De toute éternité, il leur a fourni les facules les plus claires, les spicules les plus nets que l'on pût rêver. Où ces stars de la dictée trouveraient-elles sphéroïde mieux dessiné, halo moins téléphoné, chondrite plus compacte ? Le Soleil peut bien jouer la fille de l'air, elles n'ont pas besoin de lui pour briller...

 

TESTS

1) « Qu'ils soient pers ou pervenche, vert pâle ou vairons, en amande ou en boules de loto, tachés d'une taie ou d'un néphélion, bordés de chassie ou de cernes violacés, vos yeux sont précieux : protégez-les ! », rabâchaient les ophtalmos avant l'éclipse.

2) Si les planétoïdes (encore appelés astéroïdes) concernent l'astronome, conchoïdes, cycloïdes et sigmoïdes sont bien plutôt étudiées par le mathématicien, lequel use aussi, à l'occasion, de jolies sinusoïdes et d'ellipsoïdes particulièrement chiadés. Les solénoïdes sont réservés au physicien ; les rhizoïdes, souvent ramifiés, au botaniste ; les aryténoïdes, sur lesquels s'insèrent les cordes vocales, à l'anatomiste. Il ne reste à l'omnipraticien que les chéloïdes enflammées, les sarcoïdes plus ou moins dures, et les carcinoïdes, presque toujours dissimulés dans le tube digestif. Le mordu d'orthographe, lui, fait son miel de tous ces mots dont le genre est quelquefois... bizarroïde !