L'orthographe, un genre mineur ?

(Cambrin, 1999)

Cette dictée au pied des terrils, quel symbole, quand on y songe ! Les mordus d'orthographe ne se sont-ils pas fait, depuis toujours, un devoir d'aller au charbon ? D'exploiter ces inépuisables gisements qu'ont, de tout temps, constitués nos dictionnaires ? De creuser, toujours plus profond, dans les sous-sols passablement exigus, mais aussi tellement fertiles, de la langue française ? Le profane a beau décréter qu'ils en tiennent une couche pour préférer ainsi, à l'oxygène si pur de la surface, les ténèbres, rarement dissipées, de notre grammaire : eux se trouveraient plutôt... de la veine. Ne sont-ils pas les seuls, quoi qu'on en dise, à voir dans l'accord du participe passé autre chose qu'un boulet ?

Mais vous-mêmes, éminents et loyaux porte-parole de cette faune endogée, vous êtes-vous prémunis contre le grisou ? Assurés de la solidité de vos étais ? Vous êtes-vous, haveurs un peu hâves, enfoncé la barrette jusqu'aux oreilles, de peur qu'un plafond plus qu'aux trois quarts micacé ne vous chût sur la carafe ? En un mot, vous êtes-vous confectionné suffisamment d'antisèches et de pense-bêtes — j'allais dire de filons — pour contrecarrer mes desseins, plus noirs que jamais ? Avouez qu'après avoir touché le fond il serait excédant, surtout ici même, de rester sur le carreau, sous prétexte que votre orthographe, s'aidât-elle en l'occurrence de la sacro-sainte rivelaine, ne casse pas des briquettes !

Mais voilà que je vaticine. Que dis-je ? je déraille, à l'instar d'un lorry rouillé. Quand cette troisième partie — obligeamment interdite aux mineurs — battrait le rappel des anthracites gris foncé, des lignites étonnamment compacts, voire de ce boghead issu d'outre-Manche au mépris de tout boycott, je n'imagine pas que des champions d'aussi noble extraction laissent la moindre plume dans ce chant du coke. Il faudrait qu'à force de raucher les galeries de leur vaste savoir, ces porions de la carrière orthographique fussent dans le coaltar pour qu'ils s'embarrassassent même d'un malheureux jais ! Tout à l'heure, vous verrez, quand pleuvront dru les sans-faute, c'est moi qui aurai bonne mine...

 

TESTS

1) Au pays des houillères, on ne trouve ni cacaoyère, ni cordillère, ni condottiere. Mais les bétaillères n'y sont pas rares, et l'on y manie fort bien la persillère et la serpillière (dite wassingue hier). C'est dire qu'à moins d'avoir des œillères, chacun s'enorgueillirait d'y poser sa théière et d'y pendre la crémaillère !

2) Naguère, la silicose et l'anthracose étaient l'apanage cruel des mineurs. Mais, d'ici à ventôse, vous tous pouvez encore connaître l'athétose, la byssinose, la légionellose, l'onchocercose, la toxocarose, l'échinococcose et bien des rickettsioses. Vous en avez votre dose et la perspective vous laisse tout choses ? Voyez la vie en rose : la pullorose et la strongylose ne vous concerneront jamais. Et puis, après une courte pause, c'est une apothéose qui attend les plus virtuoses d'entre vous... Ça s'arrose !