Un mordu de publicité
(Le Touquet, 1995)
La publicité télévisée, quel régal ! Chaque soir, c'était pour le petit Robert un plaisir renouvelé : tandis que ses père et mère, décidément peu avertis, s'indignaient de cette pause que leur infligeaient les chaînes, lui plongeait avec ravissement dans cet univers enchanteur... Et s'il lui arrivait de verser une larme sur le sort des machines que l'on avait délaissées, trop vieilles, sur le pavé, les tentatives répétées des lessives pour laver plus blanc que blanc avaient tôt fait de le dérider !
Par la suite, cette passion lui était restée. Ses goûts, évidemment, avaient évolué : plus que les yaourts nature dont s'était nourrie son enfance, l'intéressaient désormais les somptueuses voitures, tantôt noires, tantôt rouge vif, mais aux lignes toujours aérodynamiques ; les bouteilles qu'il fallait consciencieusement secouer afin d'éparpiller la pulpe ; ou encore ces quelque trois cents morceaux de sucre disposés à la file et qui, saisis d'un vertige subit, s'affalaient en chœur...
À l'ère de la micro-informatique et des jeux vidéo, on put craindre un moment que Robert ne se laissât enjôler par des saynètes plus musclées. C'est que l'on n'avait plus d'yeux, alors, que pour ces bonshommes quasi épileptiques qui se battaient comme des chiffonniers, ressuscitant aussitôt qu'abattus... Mais notre poète demeura fidèle à ses lave-linge et à ses carrosseries carénées. À l'en croire, le monde était assez moche comme cela ; et il se hâtait de conclure, d'une formule qui, bizarrement, semblait tout imprégnée d'un parfum de café : « Ce n'est pas la peine d'en rajouter ! »