Un amoureux de la publicité
(Bruay-la-Buissière, 1995)
La publicité télévisée, quel régal ! Chaque soir, c'était pour le petit Pierre un plaisir renouvelé : tandis que ses père et mère, décidément peu civilisés, s'emportaient contre cette pause que leur imposaient les chaînes, lui plongeait avec ravissement dans cet univers enchanteur... Et s'il lui arrivait de pleurer sur le sort des machines que l'on avait abandonnées, trop vieilles, sur le trottoir, les efforts désespérés des lessives pour laver plus blanc que blanc le déridaient bien vite !
Par la suite, cette passion lui était restée. Ses goûts, certes, avaient évolué : plus que les yaourts dont s'était nourrie son enfance, l'intéressaient désormais les belles voitures, tantôt bleues, tantôt marron, mais aux lignes toujours aérodynamiques ; les bouteilles qu'il fallait consciencieusement secouer afin de disperser la pulpe ; ou encore ces morceaux de sucre disposés à la queue leu leu et qui, pris d'un vertige subit, s'effondraient en chœur...
À l'ère des jeux vidéo, on put craindre un moment que Pierre ne fût attiré par des scénarios plus musclés. C'est que l'on n'avait plus d'yeux, alors, que pour ces bonshommes excités qui se battaient comme des chiffonniers, ressuscitant aussitôt qu'abattus... Mais notre poète demeura fidèle à ses lave-linge. Selon lui, le monde était assez moche comme cela ; et il s'empressait de conclure, d'une formule tout imprégnée d'une odeur de café : « Ce n'est pas la peine d'en rajouter ! »