Une séance extraordinaire

(Conseil général du Nord, 1993)

Quand ils s'étaient rendu compte de l'effervescence, les badauds du quartier s'étaient frotté les yeux, se jugeant mûrs pour le psychanalyste : qu'arrivait-il au conseil général, cet antre du sérieux et de la tradition ? Voilà plus d'une heure qu'y accouraient quantité de jeunes loups, auprès desquels les fringants quadragénaires de nos assemblées parisiennes auraient fait figure de patriarches un rien décatis... Pas la moindre ride, ici, sur les visages, où seule l'acné avait droit de cité. Était-ce là ce fameux renouvellement de la classe politique dont on nous abreuvait depuis des lustres ?

Quiconque eût pénétré dans la noble bâtisse eût constaté que la réalité était tout autre. Les quatre-vingts néophytes qui, dans un brouhaha fort sympathique, accaparaient les bancs des conseillers n'avaient pas atterri céans pour échafauder des plans contre le chômage. Plus prosaïquement, ils étaient les rescapés d'un concours d'orthographe haut de gamme. Quelque brillants qu'ils se fussent montrés jusqu'alors, ces forts en thème n'en frissonnaient pas moins à l'idée de devoir déjouer les traquenards alambiqués qu'avait mijotés à leur intention un maniaque de la syntaxe. Il est vrai que l'occupation d'un siège n'a jamais été synonyme de victoire... dans un fauteuil !

 

TEST

Pour qu'il n'y eût qu'un élu, en cas de ballottage, l'assemblée s'était vu dicter un texte byzantin, truffé çà et là de guets-apens et d'attrape-nigauds : un deuxième tour qui laissa coi l'auditoire, et dont se seraient sans faute dispensés nos politiciens d'un jour... s'ils avaient eu voix au chapitre !