Quand les grands esprits de l'orthographe se rencontrent...
Les fantômes de l'opéra
Finale nationale 1998
(Palais Garnier, Paris)
dimanche 17 janvier 1999
Ce n'est pas une légende, l'Opéra est hanté. Gaston Leroux ne nous a trompés que sur le nombre : quand il nous parlait d'un fantôme, c'est une colonie entière qui peuple les lieux !
Il suffisait hier soir d'observer les finalistes des Dicos d'or : ils en étaient. Errant comme âmes en peine dans ce bâtiment gigantesque que nous devons à l'imagination baroque de Charles Garnier, n'étaient-ils pas, fantômes du passé, venus communier dans l'adoration d'une langue que le siècle martyrise chaque jour un peu plus ? Il ne leur manquait ni la chaîne (France 3 était là) ni le boulet (cette valise de dictionnaires que beaucoup traînaient à leur suite). Certains, au mépris de toute prudence, se traitaient même de revenants... le règlement condamnant les recalés à trois années de purgatoire que nous hésiterons à qualifier ici de sabbatiques ! Point n'était besoin, en tout cas, d'être doté de pouvoirs pour apercevoir, qui flottaient sous le plafond orné par Chagall, les mânes des Grevisse, Hanse et autres génies de notre langue. Non, décidément, le palais Garnier n'était autre, hier, qu'un théâtre d'ombres. Qu'attendaient tous ces malheureux, que paralysait le spectre de la faute ?
Que Bernard Pivot fît... son apparition ! Ce qu'il fit à l'heure dite, précédé de son habituelle aura. Nouveau Poltergeist, il frappa fort et son texte, qui ne manquait pas d'étoffe, convainquit nos fantômes qu'ils s'étaient mis dans de sales draps.
C'est que le bougre n'hésite jamais à ressusciter des formes disparues, depuis longtemps déjà réfugiées dans l'au-delà de nos mémoires. Sans doute, tout à l'heure, aurait-il à calmer les esprits, lesquels tireraient, à boulets devenus rouges, sur ce démon qui leur suce le sang. Heureusement, il se ferait tard, ce qui en inciterait plus d'un à s'évanouir dans la nuit pour se glisser sous d'autres draps.
Pourvu que le participe ne soit pas revenu hanter leur sommeil !