Une finale très physique

Quand Pivot remonte au déluge...

Finale nationale 1997
(Stade de France, Saint-Denis)
dimanche 11 janvier 1998

Le Stade de France est bien la merveille architecturale que l'on a décrite ici et là. Pour autant, il n'est pas certain que les cent quatre-vingt-un finalistes des Dicos d'or 1997 en aient réellement pris conscience, ce samedi. Allez vous extasier devant ce toit suspendu de quelque treize mille tonnes (une fois et demie le poids de la tour Eiffel, triomphent les dépliants) quand, dans le même temps, vous redoutez que le ciel de votre ignorance ne vous tombe sur la tête ! Devant cette verrière, tout exprès conçue pour absorber les contrastes de lumière alors même que, les premiers mots dictés, vous vous découvrez un moral en demi-teinte ! Devant ces cinq cent cinquante projecteurs, garants d'un éclairage haute définition, dès lors que, tiraillé entre indicatif et subjonctif, vous avez déjà toutes les peines du monde à voir clair en vous-même ! À quoi bon ces quatre-vingt mille places couvertes si le podium, au bout du compte, n'en offre jamais que trois, inégalement attirantes qui plus est ? Il est décidément à craindre que, pour la plupart de ces concurrents livrés sans défense à l'imagination machiavélique de leur bourreau, le SdF, comme l'on surnomme déjà la nouvelle cathédrale de Saint-Denis, n'ait surtout signifié : sans dictionnaire fiable !

Des candidats pris à contre-pied

C'est que, dès le coup d'envoi de cette rencontre pas comme les autres, on comprit que plus d'un infortuné resterait sur la touche. Et s'il ne fut pas spécifiquement question de football dans la dictée — à vrai dire, on s'y attendait un peu —, croche-pieds, tacles par-derrière et balles vicieuses il y eut bien... Bernard Pivot, en gardien patenté de l'orthodoxie grammaticale, ne se devait-il pas d'attirer tout le monde dans ses filets ? Ce fut d'abord ce pithécanthrope, qui troua les défenses les plus compactes et les mieux organisées. Ce furent ensuite ce coing et cette reinette, qui donnèrent rapidement à penser que la coupe, ce samedi, serait pleine — reconnaissons, à la décharge de l'auteur, que marrons et châtaignes ne sont pas toujours absents des stades ! Et que dire de ces érythrocytes, qui s'avérèrent particulièrement sanglants ? De ce bobsleigh, sur lequel plusieurs ont glissé ? Ou encore de ces testicules séchés des mammouths, qui firent dire à nombre de concurrents malheureux qu'ils s'étaient au fond déplacés pour des prunes ?

Arche ou crève !

Après l'anthozoaire et les gamètes dûment sexuels, il s'en trouva même pour susurrer que Bernard Pivot poussait un peu, en tout cas beaucoup plus et beaucoup mieux que n'est réputée le faire l'herbe des lieux... N'alla-t-il pas, il est vrai, jusqu'à remonter au Déluge et à Noé pour mieux piéger ses souffre-douleur ? La fin du temps réglementaire ne soulagea pas davantage les concurrents, quand bien même ces derniers auraient confessé un léger coup de barre, transversale ou non : dans le petit monde du ballon, pas question de souffler ! Il fallut encore jouer les prolongations et sacrifier à l'épreuve des tests, à seule fin de mettre définitivement hors jeu les imprudents qui n'auraient pas cru bon de potasser leurs dictionnaires... On dira ce que l'on voudra : l'histoire selon Pivot, c'est incontestablement... du sport !