De la glorieuse incertitude de l'orthographe...

Fini ou finis, les Dicos d'or ?

mardi 25 janvier 2005

S'il est un reproche qui n'a pas été épargné aux Dicos d'or, c'est bien celui-là : on y fait la part trop belle au vocabulaire, et ce au détriment de la grammaire, essentielle pourtant ! L'ultime finale n'a pas fait exception à la règle : pour quelques inoffensifs participes, combien de schibboleth, de breitschwanz et de boustrophédon ? Le hic, c'est que, quand ladite grammaire montre le bout du nez, le litige n'est jamais loin. En témoigne ce « Finies, les mines pâlottes, les bouillottes, les marmottes ! ». Accord de fini obligatoire, a tranché le jury souverain. Si (c'est naturellement là vue de l'esprit, certains d'entre eux nous ayant quittés) ce dernier avait été composé de Joseph Hanse, Maurice Grevisse, Claude Kannas et Jean Girodet, plumes respectées s'il en est, celui qui eût opté pour l'invariabilité aurait à coup sûr été absous. Que lit-on, en effet, chez les susnommés ? que « fini s'accorde généralement mais peut rester invariable » (Nouveau Dictionnaire des difficultés du français moderne, par Hanse et Blampain, p. 416) ; que « le participe passé fini placé en tête dans une phrase averbale s'accorde le plus souvent » — donc pas toujours ! (Le Bon Usage, par Maurice Grevisse, p. 343) ; que « employé en tête de phrase, fini peut rester invariable » (Le Bescherelle pratique de la langue française, p. 191) ; que « l'accord peut se faire, mais n'est pas obligatoire » (Dictionnaire Bordas des pièges et difficultés de la langue française, par Jean Girodet, p. 853). Le jury se sera sans doute fondé sur André Jouette (Dictionnaire d'orthographe et expression écrite, p. 499), lequel donne à entendre que la présence d'une virgule entraîne l'accord. De façon d'autant moins convaincante qu'il n'en semblait pas lui-même persuadé dans une précédente édition de son ouvrage (Toute l'orthographe pratique, p. 486) où il prônait « Réglé, cette affaire »... et que Girodet défend, lui, la thèse exactement inverse : « Fini, les soucis ! ou Finis les soucis ! » (ibid., p. 60). Quant à Adolphe Thomas, dont le traité est le seul reconnu, pour la grammaire, par le règlement (ce n'est pas le cas du Petit Robert, et ce n'est pas parce qu'il propose un exemple avec l'accord que cela exclut l'invariabilité), son silence est assourdissant. Fallait-il, dès lors, pénaliser le candidat qui, dans ce vide juridique, a trouvé la version « les mines pâlottes, les bouillottes, les marmottes, c'est fini » plus conforme au bon sens et à la logique que « les mines pâlottes, les bouillottes, les marmottes sont finies » ? Au lecteur d'en juger !