Il a fait un effet bœuf chez Pivot
Corne... d'aurochs !
mardi 19 novembre 2002
Brassens en avait fait une chanson, parmi les plus emblématiques de son répertoire. Nul doute que Bernard Pivot, ce samedi, n'en eût fait un tube si, pour la première fois depuis la fondation des championnats d'orthographe, en 1985, les caméras de France 3 ne lui avaient subitement posé un lapin. Plus que les tyrannosaures et les tricératops cornus, vite tenus pour secondaires par des candidats plutôt enclins à chercher la petite bête ; plus que les pucerons myrmécophiles, impuissants à déstabiliser des compétiteurs depuis toujours condamnés, pour l'emporter, à mener un travail de fourmi ; plus que le babiroussa, à propos duquel seul un non-initié pouvait hésiter entre lard et cochon ; plus, enfin, qu'un harfang des neiges qui n'avait d'autre chance de laisser l'auditoire muet de stupeur qu'une prononciation erronée du h, c'est l'aurochs qui, en particulier dans les rangs des cadets et des juniors, en aura mis plus d'un... H.S. ! Ne fait-il pas partie de ces « happy few » qui, dès le singulier, se donnent sans vergogne des allures de pluriel ? C'est également le cas, prenez-en note, du rets et du lacs — rappelons que c'est bien dans ce dernier, synonyme de lacet, que l'on tombe, et non pas, comme on ne se le figure que trop souvent, dans le « lac ». Ces deux-là ont du moins le bon goût d'annoncer la couleur : pièges ils sont dans la vie, chausse-trap(p)es ils se doivent de rester dans les dictées ! On se méfiera déjà moins du legs, lequel, sur le plan orthographique, n'a pourtant rien d'un cadeau ; du mets, dont personne a priori ne songerait à faire un plat ; ou encore du remords, dont on oublie un peu trop aisément qu'il peut être la cause d'une faute autant que sa conséquence ! Tout cela, il est vrai, n'est que broutille en regard de ce fonds qu'il nous arrive de toucher dès lors que nous le privons indûment de son s, c'est-à-dire chaque fois qu'il n'est plus question de la partie extrême ou de l'élément fondamental de quelque chose, mais bien plutôt d'un capital que l'on exploite, au propre comme au figuré. N'en déplaise à La Fontaine, c'est ce fonds-là (le tréfonds, aussi) qui nous manque le plus ! Mais pour en revenir à ceux qui se sont laissé terrasser par ledit aurochs, il ne leur reste plus qu'à prendre le taureau par les cornes et à redescendre dans l'arène... dès l'an prochain !