À la fortune du word
Au risque de jouer les cassandres, nous l'avons dit et redit dans ces colonnes : l'Europe représente, pour le plurilinguisme et la sauvegarde des langues nationales, le pire des dangers. En témoigne ce nouveau coup bas de la Commission européenne, laquelle vient de sommer les autorités françaises, dans un « avis motivé », de cesser d'imposer l'étiquetage en français des produits alimentaires vendus sur notre sol, comme la loi Toubon en faisait obligation jusqu'ici. Objectif à peine voilé : obtenir la généralisation de l'étiquetage en anglais, supposé connu de tous, et diminuer les coûts de production en permettant aux industriels de fabriquer un seul et même emballage pour tous les pays. Et tant pis si le consommateur y perd son français : au dire de Bruxelles, tout le monde sait ce qu'est un hamburger ! Pourvu qu'une « photo explicite » orne le carton d'emballage, on s'accommodera vite des brownies, crumbles, nuggets et chicken wings... Faisons confiance aux anglomanes de service pour en rajouter et trouver, comme ce lecteur de notre confrère Aujourd'hui en France (mais pour combien de temps encore ?), qu'« un produit britannique dont l'étiquette est entièrement en anglais a un côté classe » !
Pour l'heure, sans doute aidés en cela par le tollé qu'a provoqué l'oukase de la Commission au sein des associations de défense des consommateurs et du Conseil international de la langue française, les pouvoirs publics ont sainement réagi : Renaud Dutreil, secrétaire d'État aux PME et au Commerce, a fait savoir qu'il ne céderait pas sur l'obligation d'étiquetage en français. Dont acte. Mais nous attendrons un peu pour pavoiser. Nous sommes payé pour savoir que les bonnes résolutions culturelles ne résistent jamais très longtemps au réalisme économique...