Qui a dit
que mieux valait tard que jamais ?

< dimanche 7 juillet 2024 >
Chronique

« Pas plus tard qu’à vingt heures, on saura ce soir à quoi s’en tenir ! » La tournure, manifestement à la mode, est comprise de tous : elle suggère, sans la moindre ambiguïté, l’imminence d’un événement.

Quand on ne s’en aviserait pas toujours, il n’en va pas du tout de même si, au lieu de spéculer sur l’avenir, on se tourne délibérément vers le passé : « Pas plus tard qu’hier, nombre d’électeurs se disaient encore indécis. »

Précisons d’entrée de jeu qu’il ne s’agit pas en l’occurrence de stigmatiser un tour que la plupart des dictionnaires entérinent au nom d’un usage désormais bien établi et qu’il nous est arrivé pour notre part — horresco referens ! — d’utiliser à l’occasion. Tout au plus de faire prendre conscience à l’usager qu’il n’est pas un modèle de logique, au point de mettre à rude épreuve la réputation cartésienne de notre langue bien-aimée.

Car enfin, user de la même expression pour traduire « prochainement » et « récemment », voilà qui ne plaide pas précisément en faveur de la cohérence du discours ! Que veut-on faire comprendre au juste par ce pas plus tard qu’hier ? qu’il n’est pas nécessaire de remonter loin dans le passé pour trouver trace de ce que l’on entend démontrer. Mais remonter dans ledit passé, n’est-ce pas aller vers le plus tôt, et non vers le plus tard ? Stricto sensu, cette façon de parler et d’écrire dit exactement le contraire de ce qu’elle prétend énoncer, au même titre que le tristement célèbre « Vous n’êtes pas sans ignorer… » !

Pour peu que l’on consulte plus attentivement les ouvrages qui font autorité, on s’aperçoit d’ailleurs que la tolérance n’exclut pas toujours les réserves : pour un Robert qui répertorie la locution dans toutes ses acceptions et sans broncher, le Trésor de la langue française y voit une « façon paradoxale » d’insister sur le caractère tout récent d’un événement. Quant à Alain Rey, il croit devoir souligner dans son Dictionnaire culturel en langue française une « extension de sens abusive ». L’usage, peut-être, mais certainement pas le bon, au sens où l’aurait entendu un Grevisse…

On se montrera évidemment moins bégueule pour une locution comme pas plus tard que tout de suite : pourvu que celle-là sache se cantonner aux registres humoristique et familier, sa lourdeur la disqualifiant manifestement sous d’autres cieux, du moins n’insulte-t-elle ni la logique ni la marche du temps !