Pourquoi cette chronique
ne connaîtrait-elle pas
elle aussi un jour « sans » ?

< dimanche 8 octobre 2023 >
Chronique

Un lecteur s'étonne de lire « sur une bouteille d'eau minérale la mention sans nitrates, puis sur un paquet de jambon sous vide la mention sans nitrite ». Singulier ici, pluriel là, les deux seraient-ils acceptés ?

Afin de nous faire mieux comprendre combien cette question le tarabuste, il n'hésite pas à nous faire part d'une vieille blessure d'amour-propre, qui remonte au temps de sa scolarité : ne s'est-il pas vu, il y a près d'un demi-siècle, alors qu'il expliquait dans un rapport de stage avoir jusque-là « poursuivi [ses] études sans grandes difficultés », reprocher ces deux « s » par un professeur chargé de la correction dudit rapport ?

Commençons par mettre à mal ce qui relève presque de la légende urbaine : trop souvent on s'entend expliquer, et la plupart du temps d'un ton docte, que sans ne saurait être suivi du pluriel. S'il n'y en a pas, c'est qu'il n'y en a pas un seul, nous récite-t-on : inutile, par conséquent, de se fendre d'un « s » ! Notre grammaire ne raisonne pourtant pas ainsi. Elle aurait plutôt tendance à se demander, pour peu qu'il y en ait, s'il y en a possiblement plusieurs. C'est ainsi qu'elle nous enjoint d'écrire une nuit sans lune mais un ciel sans nuages, un pull sans col mais un gilet sans manches, une histoire sans paroles (il en faut plus d'une pour la raconter) mais un homme sans parole (quand il est de confiance, il n'en a qu'une).

Cela dit, les exemples ne manquent pas où les choses sont moins nettes. Mieux vaudra parler de café sans sucre, mais sans sucres se défend quand on vous demande combien vous en voulez ! De même, il suffit de parcourir la Toile pour constater que la concentration en nitrates rivalise avec cette autre en nitrate, même chose pour le taux de nitrite(s) ! Pour ce qui est du débat qui hante encore les nuits de notre lecteur, si le singulier garde la préférence de nos dictionnaires, le pluriel n'a rien de scandaleux dès lors que le grammairien Hanse estime avoir des difficultés ou de la difficulté à faire quelque chose. Au reste, quand il n'y aura plus que ça dans les copies de nos bacheliers…

 

P. S. Quoi qu'il en soit, l'auteur de ces lignes espère que, samedi prochain à 18 heures, vous viendrez sans faute au collège Françoise-Dolto de Pont-à-Marcq (27, rue Germain-Delhaye) tâter de la dictée qu'il a conçue pour vous. Étant bien entendu que rien ne vous oblige à rendre une copie… sans fautes !