L'Europe, c'est moi...
mais elle ne trouve pas
les mots pour me le dire !
Quand on pense que quelques optimistes — ou quelques naïfs ? — misaient sur le Brexit pour que l'anglais, langue officielle des seuls Irlandais et Maltais, se vît attribuer au sein de l'Europe une place moins hégémonique !
Espoir un peu fou, que la récente campagne de communication de la Commission européenne aura achevé de faire voler en éclats : depuis le début de ce mois, en effet, et au grand dam derechef des associations de défense de la langue française, fleurissent un peu partout dans nos villes diverses affiches frappées d'un slogan « You are EU » plutôt malaisé, on en conviendra, à prononcer avec l'accent du terroir, d'où qu'il vienne.
Après l'épisode de la carte d'identité bilingue, qui, on s'en souvient, avait fait monter sur leurs grands chevaux l'Académie française et son secrétaire perpétuel Hélène Carrère d'Encausse (l'intéressée tient au masculin), il n'est pas sûr que cette nouvelle bouffée d'anglomanie délirante serve au mieux le message que l'on entendait faire passer, à savoir que l'Europe, loin d'être cette entité aux contours mal définis que l'on ne fustige que trop souvent, ce n'est au fond, et ni plus ni moins, que chacun d'entre nous…
C'est égal : qu'il semble décidément révolu, le temps où le président Georges Pompidou — lequel eut le bon goût de ne jamais oublier qu'avant de forcer les portes de l'Élysée il enseignait notre langue — prophétisait : « Si demain, l’Angleterre étant entrée dans le Marché commun, il arrivait que le français ne reste pas ce qu’il est actuellement, la première langue de travail de l’Europe, alors l’Europe ne serait jamais tout à fait européenne. Car l’anglais n’est plus la langue de la seule Angleterre : il est avant tout, pour le monde entier, la langue de l’Amérique. »
Force est de constater que, depuis lors, si beaucoup d'eau a coulé sous les ponts de la Seine comme sous ceux de la Tamise, les craintes du successeur du général de Gaulle n'étaient que trop fondées : qu'il soit dedans ou dehors, le Royaume-Uni continue, au cœur même des États membres, d'imposer et de propager sa langue, confinant français et allemand dans leur rôle ingrat et vaguement honorifique de « langues de travail ». Et ce, quand bien même cette situation d'inféodation linguistique à l'ogre américain ne serait pas, il s'en faut de beaucoup, la plus propice aux rêves d'indépendance de l'Europe originelle…