La pédérastie n'est plus ce qu'elle était

Pédophilie ? Pédosexualité ?

< mardi 11 août 1998 >
Chronique

Nous sommes tous des pédophiles ! C'est, en substance, ce que nous écrit un lecteur de Leffrinckoucke, indigné que l'on ne prenne plus le mot pédophilie qu'en mauvaise part, alors qu'au regard de l'étymologie ledit mot ne traduit rien d'autre qu'un « amour des enfants » des plus respectables. Il y a bien, insiste-t-il, des colombophiles et, au sein des services de secours, des brigades cynophiles sans que les pigeons voyageurs et les chiens de montagne aient à souffrir d'agressions sexuelles de la part des humains qu'ils côtoient ! Ce lecteur n'a pas tort. Pas plus qu'il n'a tort de regretter que le mot pédérastie, plus propre à traduire la déviation sexuelle que l'on sait — le verbe grec erân, « désirer », qui a donné érotique, est autrement évocateur que le suffixe -phile) —, tombe peu ou prou en désuétude : il est vrai que l'extension de sens dont il a été l'objet à partir du XIXe siècle (on l'a, à tort, assimilé à l'homosexualité, quel que soit l'âge du partenaire), de même que son abréviation insultante en pédé, peu compatible avec notre souci du « politiquement correct », ne plaide pas pour son maintien. De plus, lié historiquement au couple homosexuel grec, il ne s'applique stricto sensu qu'aux jeunes garçons. Peut-être convient-il alors, suggère notre correspondant, de créer un nouveau terme, lequel, sur le modèle d'homosexualité, pourrait être pédosexualité. C'est en tout cas ce qu'il vient de proposer au secrétaire perpétuel de l'Académie française, qui trouvera là un dérivatif aux problèmes de féminisation qui l'accablent ! Sans préjuger de la réponse, avouons qu'il serait opportun de remettre un peu d'ordre dans nos suffixes : à lui seul, l'élément phile marque l'attirance d'un corps pour une matière ou une énergie (hydrophile), l'appartenance à une minorité sexuelle (pédophile, mais aussi zoophile et nécrophile), une préférence pour une nationalité étrangère (anglophile), et même la passion du collectionneur (bibliophile) ! C'est beaucoup, et cette inflation n'est probablement pas pour rien dans le flou sémantique que déplore, à bon droit, notre lecteur...