Le langage informatique,
véritable cheval de Troie
de l'anglomanie galopante !
Plus personne ne se formalise aujourd'hui de ces « notifications » qui envahissent nos téléphones portables. Il faut dire que le mot fait partie de notre lexique depuis le XVe siècle, ce qui le met au-dessus de tout soupçon…
Bien sûr, ce n'est que depuis peu qu'une nouvelle acception s'est fait jour : « court message informatif envoyé automatiquement par voie numérique ». Mais c'est là le lot de tout vocable, dont le champ sémantique s'élargit constamment pour coller aux réalités de l'époque. Rien de pendable là-dedans, d'autant que le sens originel, « annonce, avis », qui s'épanouissait surtout dans le monde du droit, a été scrupuleusement respecté.
Autrement contestable est la façon dont on se sert du verbe notifier dans la sphère informatique. Une page de Google suffit à donner une idée de l'étendue du désastre : « Soyez notifiés des interventions obligatoires », « Avec cette acceptation, soyez notifiés des éventuels dysfonctionnements ou corrections à apporter à votre boutique », « Soyez notifiés de manière anticipée et optimisez le travail de vos équipes », etc.
Où que l'on regarde en effet, chez Larousse ou chez Robert, dans le Trésor de la langue française informatisé ou dans le Dictionnaire de l'Académie, le statut du verbe notifier n'a été officiellement modifié. Nulle part on ne « notifie quelqu'un de quelque chose », partout on continue à « notifier quelque chose à quelqu'un ».
À la différence de l'extension de sens évoquée plus haut, laquelle pouvait passer pour un enrichissement, ce glissement-là, syntaxique, ne s'imposait en rien. Bien au contraire, et pour user d'une expression à la mode, il s'introduit dans le logiciel de notre langue pour la corrompre, et des plus inutilement : on ne voit pas ce qu'apporterait un tour comme « nous avons été notifiés de son accord » à la construction initiale « il nous a notifié son accord ».
D'autant que le crime est signé : une fois de plus, c'est l'anglais qui, sournoisement, sans avoir l'air d'y toucher, noyaute nos façons de penser. Dans la langue que, par charité, on désigne encore comme celle de Shakespeare, to notify signifie en effet « to inform (someone) of something ». Ce qu'en français nous avons coutume de remplacer (avantageusement) par informer, avertir, aviser, prévenir, alerter, mettre au courant…
Ce genre d'anglicisme se voit moins que nombre d'autres. C'est précisément ce qui le rend dangereux.