Des zones de non-droit
qui sont aussi... d'ordre linguistique
D'aucuns s'en seront fait la réflexion récemment : les quartiers chauds de Marseille, quand cela n'aurait évidemment aucune commune mesure avec le reste, ne sont pas épargnés par l'insécurité orthographique...
Tenons-nous-en aux deux cités qui ont défrayé la chronique il y a peu. Il y eut d'abord celle dite « des Marronniers ». Un mot qui fait partie de ces sinistrés présentant plus d'une consonne double : l'expérience montre, on l'a constaté au début de cette année déjà, qu'il y en a presque toujours une qui trinque, ici le « r ». Il suffit, pour se le voir confirmer, de parcourir les colonnes de notre presse, de Sud-Ouest (« L'attaque s'est produite à l'entrée de la cité des Maronniers ») à La Dépêche (« Mercredi 18 août, un adolescent de 14 ans a été tué par balles dans la cité des Maronniers »), en passant par L'Obs (« Les quatre hommes se seraient retranchés dans la cité des Maronniers »). D'autant plus étonnant que rien n'est plus familier au journaliste que ledit marronnier : dans son jargon, ne désigne-t-il pas un « sujet rebattu, qui reparaît régulièrement, comme la floraison des marronniers d'Inde, au printemps » ?
Le cas du mot « flamant », qui orne poétiquement cette autre cité marseillaise où l'on ne fait pourtant pas dans la rime riche chaque jour, est tout autre. Il souffre, lui, de l'encombrante présence d'un homophone : comme dans les Tintin de notre enfance, souvenons-nous vite (avant qu'ils ne brûlent comme au Canada) qu'il y en avait un avec « d », un autre avec « t ». La faible probabilité que l'on veuille, sur la Canebière, honorer des Flamands qui liraient plutôt La Voix du Nord n'a pas empêché les médias de se déchaîner : Valeurs actuelles (« L'émission avait été (sic) à la rencontre de trafiquants de la cité des Flamands »), RTL (« Trois personnes sont mortes ce samedi 17 juillet dans l'incendie d'un immeuble de la cité des Flamands »), LCI (« Gérald Darmanin a annoncé une importante opération anti-drogue à la cité des Flamands »)...
Il est vrai qu'il y a plus grave que ces fautes heureusement éphémères, lesquelles ne vivent que ce que vit une édition : l'auteur de ces lignes a encore dans la tête un imposant panneau qui, dans une station de la Côte Vermeille, annonçait sans rougir une « allée des Flamands roses ». En Hazebrouckois qui se respecte, il s'en était presque rengorgé, lui que les draches locales font habituellement si pâle !