Virulence : une notion
à géométrie singulièrement variable !
La situation paradoxale que nous avons connue au sortir des vacances (croissance exponentielle des cas de covid pour un faible retentissement dans les hôpitaux) aura du moins permis de clarifier le sens du mot virulence.
Si, en effet, les hypothèses n'ont pas manqué pour expliquer le phénomène (multiplication des tests, patients plus jeunes et par nature moins exposés aux formes graves de la maladie), il en est une (en se répandant davantage, le virus aurait perdu de son agressivité) qui, chaque jour qui passe lui apportât-il un cinglant démenti, aura eu le mérite de nous faire distinguer la contagiosité de la létalité. Il nous avait semblé, au mois de mars, que certains « experts », réels ou autoproclamés, s'y trompaient eux-mêmes.
Au demeurant, ils ne manqueraient pas d'excuses : il suffit d'interroger Littré pour apprendre qu'à l'origine l'adjectif virulent signifiait, médicalement parlant, « qui tient de la nature du virus, qui est causé par un virus ». Or, participe d'abord de la nature dudit virus le fait de se transmettre : l'agressivité, elle, et fort heureusement, n'est pas toujours au rendez-vous ! Quand d'ailleurs Pasteur, référence en la matière s'il en fut, publiait un traité sur les « maladies virulentes », bien plus qu'à des affections hautement pathogènes mettant la vie en danger, il songeait de toute évidence à des maladies contagieuses.
Tout se passe donc comme si la virulence avait elle-même... viré sa cuti ! De la capacité à se transmettre on est passé à celle de causer dans l'organisme des dégâts importants, voire définitifs. Y a certainement contribué, depuis le milieu du XXe siècle, l'émergence de l'adjectif viral, lequel a soulagé virulent de sa signification première. Il n'est pas davantage douteux que le sens pris depuis lors par virulent hors de la sphère spécifiquement médicale, et qui se rapproche de violent au point d'en apparaître quelquefois comme le synonyme, n'ait également joué et fini par rejaillir sur le sens originel. C'est qu'on se demanderait aujourd'hui, à entendre chaque soir nos mandarins se crêper allégrement le chignon sur des sujets aussi divers que l'utilité du masque en plein air, la durée souhaitable de l'isolement et l'efficacité du vaccin à venir, si, souvent, ils n'illustrent pas mieux la virulence que le virus dont ils sont censés parler !