Telle est notre... devise :
« Le centime est mort, vive le centime ! »
Un de nos lecteurs reproche à un autre, avec humour mais non moins vertement, de ressusciter un « centime » qui, prétend-il, est mort de sa belle mort en même temps que le franc. À l'en croire, il faudrait user de « cent ».
Comme le client, c'est bien connu, le lecteur a toujours raison. Sauf quand il a tort, ce qui, révérence parler, est le cas. Certes, il ne s'agit plus du même centime. Pourtant, l'adoption de la monnaie unique n'a pas empêché chacun des pays membres de l'Union européenne d'adapter le nouvel outil monétaire à la langue du cru. Rien d'illégitime à cela : pourquoi sacrifierait-on, sur l'autel d'un veau d'or qui ne prospère déjà que trop, des traditions linguistiques séculaires ?
Ainsi, en France, l'appellation officielle reste bien celle de centime, comme l'établit sans conteste l'article L111-1 du Code monétaire et financier. Et n'allez pas voir là le poids d'une Académie dont vous auriez beau jeu de fustiger les réflexes conservateurs : celle-ci n'a fait qu'entériner la suggestion, dès 2001, du CNC (Conseil national de la communication), organisme consultatif placé auprès du ministère de l'Économie. Ceux qui y siégeaient ont estimé que le terme cent serait source de confusions avec le nombre 100. On s'en félicitera, à moins naturellement de prôner la prononciation anglo-saxonne et de militer aussi pour une langue unique (laquelle a suffisamment tendance à s'installer de facto, l'Europe adoptant de plus en plus le parler d'un pays qui, comble du paradoxe, devrait bientôt n'en faire plus partie !).
Une erreur arrivant rarement seule, notre lecteur s'indigne au passage de ce « s » que l'on inflige à l'euro quand, pour la satisfaction de notre porte-monnaie, il a l'excellente idée de ne pas rester unique. Là encore, il se trompe. On commet en France et en Belgique une faute quand, par écrit, on réclame à quelqu'un cinq mille « euro » : cent (pour peu que l'on brave la recommandation susdite) et euro sont en effet des noms communs qui, comme franc naguère, s'écrivent avec une minuscule à l'initiale et prennent la marque du pluriel.
Mais les pièces et les billets, nous objectera-t-on ? C'est seulement que, le pluriel ne se notant pas de la même façon dans tous les pays de l'UE, décision a été prise d'y laisser l'unité monétaire au singulier. Rappelons que, pas plus que la politique de la France ne se faisait hier à la corbeille, la grammaire ne s'apprend aujourd'hui sur les billets de banque. Est-il vraiment besoin d'ajouter heureusement ?