L'actualité mesurée
à l'aune de ceux qui la décrivent
La langue française, c'est peu dire qu'il connaît... Chaque jour que Dieu fait, Yvan Amar assiste au moindre de ses avatars, de ce poste d'observation ô combien privilégié que constitue le micro de RFI.
En ces jours placés sous le signe du « pour tous », ce dont il s'amuse à bon droit, il ne pouvait que chercher lui-même une audience plus vaste encore. C'est désormais chose faite (et bien faite) avec l'ouvrage que publient les éditions Larousse, Chroniques des mots de l'actualité. Du sherpa au végan, de la gouvernance à l'obsolescence, de la fake news à l'infox, nous voilà derechef confrontés à ces vocables qui ont pour mission d'habiller l'actualité, le fissent-ils moins sur mesure que sur le mode du prêt-à-porter.
Car il ne s'agit pas, on l'aura deviné, d'un banal catalogue : lesdits mots sont bien vite dépouillés de leur paille pour céder enfin la place au grain des choses. C'est qu'ils auraient tôt fait, ces malotrus, de penser à notre place, de nous endormir quand les enjeux d'aujourd'hui — voire ceux de demain — réclament au contraire que l'on se réveille au plus vite !
Applaudissons donc des deux mains (puisqu'il est de coutume, bizarrement, de le préciser) à ce décryptage de l'actualité par le biais des mots qui sont censés la dépeindre. Non sans conserver, comme l'ouvrage entier nous y encourage, notre sens critique. On reste étonné, par exemple, de ce « serial looser » de la page 188, qui, à l'évidence, doit plus aux mauvaises habitudes des médias qu'aux entrées de nos dictionnaires. Et tout autant du commentaire de l'auteur, lequel laisse croire qu'il s'agit là d'un mot anglais quand la langue en question, qu'elle soit de Shakespeare ou de Boris Johnson, ne connaît que to lose, avec un seul et unique « o » ! Robert lui-même qualifie de « fautive en anglais » cette graphie looser, sans doute obtenue « par analogie avec d'autres anglicismes : cool, foot, groom... »
Tant que nous y sommes, nous ne manquerons pas de nous récrier contre l'équivalent suggéré par Larousse, « loseur ». À tant faire que d'essayer, par substitution de suffixe, de réconcilier la graphie avec la prononciation française, ne siérait-il pas de franciser également la première syllabe ? La remarque vaut aussi pour ce monstrueux « leadeur », dont la... laideur et l'hétérogénéité nous feraient presque regretter l'anglicisme originel !
« Chronique des mots de l'actualité », par Yvan Amar (éditions Larousse) ; 224 p., 14,95 €.