Des parents, ça va...
mais « un » parent, bonjour les dégâts !
Il est question de substituer « parent 1 » et « parent 2 » aux mentions « père » et « mère » sur les imprimés de l'Éducation nationale, quand cette mesure ne remplirait pas d'aise le taulier, Jean-Michel Blanquer.
Pour tout dire, le ministre n'est pas le seul à faire la moue. Nul ne s'étonnera évidemment que cette disposition n'enthousiasme pas davantage les tenants de la Manif pour tous, aux yeux desquels, on s'en souvient, le mariage passe nécessairement par un papa et une maman. Mais les apôtres de l'écriture inclusive eux-mêmes n'ont pas tardé à s'apercevoir que, pour faire sa place à l'homoparentalité, une telle formulation risquerait d'instaurer une hiérarchie entre lesdits parents, ce qui est évidemment aux antipodes des buts affichés. Lequel (ou laquelle ?) acceptera de devenir, sinon la quatrième roue du carrosse, du moins la seconde du tandem matrimonial ? À discrimination, discrimination et demie !
Si nous n'entendons pas nous fourvoyer dans un débat aussi épineux, nous pouvons en revanche contribuer à l'éclairer sur le plan linguistique, en soulignant les conséquences non négligeables que cette mesure, pour peu qu'elle vînt à être confirmée, ne manquerait pas d'avoir sur notre lexique.
Une tradition bien établie voulait en effet jusqu'ici que le nom parents ne s'employât qu'au pluriel, du moins dans l'acception qui nous intéresse, à savoir celle de « géniteurs ». Pas question, au dire de Jean Girodet par exemple, d'écrire que « chaque parent a signé », la grammaire n'étant sauve qu'au prix d'un « chacun des parents a signé ». Dans cette configuration, le singulier ne pouvait renvoyer qu'à une personne avec laquelle on avait un lien de parenté, ce qui, on en conviendra, relève d'une relation bien moins étroite que précédemment ! Au nom, sans doute, d'un usage qui finit toujours par avoir le dernier mot, Larousse et Robert s'étaient discrètement affranchis de ce distinguo. Au nom de l'étymologie, peut-être aussi, le parens étant en latin celui qui procrée, qu'il s'agisse du père ou de la mère. L'Académie en revanche, jusques et y compris dans la neuvième édition de son Dictionnaire, s'est toujours refusée à cette évolution. Sera-t-elle contrainte de manger le peu qu'il lui reste de bicorne, après son récent recul sur la féminisation des titres et noms de métiers ?