Bric, brac, broc :
les onomatopées phares de la Braderie !

< dimanche 2 septembre 2018 >
Chronique

Gageons que, pour rendre compte de l'événement lillois de l'année, on n'aura pas hésité à parler de gigantesque « bric-à-brac » ! Quant à savoir de quel grenier de la langue il sort, c'est une autre paire de manches...

Ceux-là mêmes qui, en la matière, ont d'ordinaire réponse à tout en sont réduits, pour une fois, à supposer une « origine onomatopéique » ! C'est dire le peu d'enthousiasme qu'ils montrent à l'idée d'exploiter ces brics du XIe et du XVe siècle, lesquels s'appliquaient, l'un à des coquins, l'autre à des pièges à oiseaux : a-t-on jamais aperçu, sur le pavé lillois, un roublard cherchant à rouler qui que ce soit ? Force a donc été de se replier en bon ordre sur ce que les spécialistes appellent une « matrice phonétique expressive », tant pour la locution à bricq et à bracq (« à tort et à travers »), aujourd'hui disparue, que pour sa cousine germaine de bric et de broc (« d'une manière ou d'une autre »), toujours vivace, elle. L'explication ne casse pas... des briques mais faute de grives, c'est bien connu, on mange des moules !

Qu'importe, au demeurant, puisque notre bric-à-brac, devenu nom, tient bon la rampe depuis près de deux siècles, après avoir tour à tour désigné celui qui achète de la vieille ferraille, le commerce d'objets hétéroclites, un lieu en désordre et, finalement, une brocante. (Notons au passage que le broc initial de cette dernière trouve plus facilement preneur sur le terrain étymologique, le néerlandais broc, « morceau, fragment » se prêtant assez à une vente au détail dépareillée.)

S'il n'a pas d'ascendants nets, bric-à-brac ne manque pas de descendance, celle-ci fût-elle fantaisiste et presque toujours éphémère. N'ont jamais dépassé le stade du néologisme, traversant notre lexique à la vitesse d'un ministre de la Transition écologique et solidaire, les adjectifs bricabracant et bricabracois. On a aussi relevé une bricabracomanie, et même une bricabracologie, « science (!) du bric-à-brac ». Quand les bornes sont franchies, c'est vrai, il n'y a plus de limites...

Il est heureux que Jacques Chirac, dont on se rappelle le franc-parler et l'inventivité linguistique, n'occupe plus depuis belle lurette le devant de la scène : tel qu'on le connaît, il n'aurait probablement pas résisté au plaisir mesquin de qualifier le programme de chacun de ses successeurs de... bricabracadabrantesque !