C'est fou ce que l'on peut faire dire
à un mot et à un seul !
Un livre pour enfants ? Si l'on veut. C'est surtout un livre pour tous ceux qui ont su garder intacte leur faculté d'émerveillement. Ne s'y voit-on pas confirmer à chaque page qu'un mot, c'est souvent de la poésie à l'état pur ?
Le principe dudit livre est on ne peut plus simple : il y a, dans chacune des quelque six mille langues vivantes parlées sur la Terre, des termes spécifiques qui n'existent nulle part ailleurs et que l'on serait bien en peine de traduire autrement que par de laborieuses périphrases. On nous en propose ici trente, tous plus dépaysants les uns que les autres. Une ode à l'imagination humaine, qui en dit aussi long sur le mode de vie des civilisations concernées que sur leur langue !
Saviez-vous, par exemple, que cette façon que l'on a de déplacer des aliments trop chauds d'un côté à l'autre de sa bouche afin de pouvoir les manger a son mot, pelinti, dans une langue ghanéenne ? Que ce gamin trop curieux qui a toujours une question embarrassante à poser (et qu'à l'instar d'un Fernand Raynaud on éconduirait volontiers d'un lâche « C'est étudié pour ! » répond au joli nom de pochemuchka, en russe ? Ou encore que les Indonésiens nomment mencolek cette innocente farce qui consiste à taper par-derrière sur l'épaule opposée d'une personne pour l'amener à tourner la tête du mauvais côté ? Transmis à notre très tactile président en vue de sa prochaine rencontre avec Donald...
Plus près de nous, on en vient à envier nos voisins d'outre-Rhin, lesquels disposent d'un vocable bien pratique (Verschlimmbesserung) pour décrire ce qui envenime les choses en voulant les améliorer — le mieux, c'est connu, restant l'ennemi du bien ! Voilà qui pourrait éventuellement servir à nos ministres de l'Éducation nationale, dont les réformes successives, quand elles seraient toujours nées des intentions les plus louables, ont quelquefois aggravé une situation qu'elles étaient censées assainir...
Nous avons conservé le meilleur pour la fin. La langue finnoise a réservé un nom à la distance (entre sept et huit kilomètres !) que peut parcourir un renne sans avoir à s'arrêter pour uriner : poronkusema. Il faut dire qu'en Laponie c'est là un détail qui n'a rien d'anodin. Quand on songe que, sous nos latitudes, d'aucuns se lamentent sur le peu d'autonomie que permet la voiture électrique !
« En un mot, petit tour du monde des mots insolites », par Nicola Edwards et Lucas Uribe (éd. Piccolia) ; 68 p. 21 x 21, 14 € 50.