Le plus court chemin
de l'apocope à la métonymie,
c'est encore le taxi !

< dimanche 31 janvier 2016 >
Chronique

M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir. De même, c'est souvent à notre insu que nous usons d'apocopes et de métonymies, quand leur nom seul suffirait à nous faire fuir. La preuve par le taxi, roi de l'actualité récente...

Qui songe encore que ce bon vieux taxi était à l'origine un taximètre, dont on n'a conservé que les places avant ? Voilà déjà l'apocope, du grec apokoptein, « retrancher », qui consiste à se débarrasser des syllabes finales d'un mot, jugées tout compte fait superfétatoires. L'argot ne s'est pas arrêté en si bon chemin puisqu'il parle, lui, de tac. Les exemples sont du reste légion dans un lexique très tôt confronté à des locuteurs de plus en plus pressés : ainsi le vélocipède s'est-il mué en vélo, le métropolitain en métro, le cinématographe en cinéma, puis, la seconde lame étant passée avant que le poil n'eût eu le temps de se rétracter, en ciné. Pourvu, en effet, qu'il n'y en ait pas de troisième, on en serait réduit à la bande-annonce !

Coupez le début plutôt que la fin, et vous aurez alors affaire à une « aphérèse ». Las ! même si en voilà justement une, c'est moins courant. Mais il peut toujours arriver à un pitaine d'avoir un blème avec son burger !

Cela dit, et pour en revenir à nos... taxis (qui n'entendent visiblement pas être pris pour des moutons), ces derniers ne relèvent pas seulement de l'apocope mais encore de la métonymie, ce tour de passe-passe linguistique qui permet à tout un chacun de « boire une bouteille » sans mettre en péril son œsophage, de « lire un Balzac » sans avoir à convoquer l'écrivain sur ses genoux, d'« interpeller l'Élysée » avec une petite chance qu'il vous réponde. On aura compris que c'est là désigner une réalité par une autre qui en est proche : le contenu par le contenant, le livre par son auteur, le personnage par les lieux qu'il occupe.

Or, le taximètre n'était autre, initialement, que le compteur horokilométrique qui déterminait la somme à payer. Il ne le sera resté vraiment que deux ans, de 1905 à 1907, pour devenir le véhicule qui en est doté. On est ensuite passé — bis repetita placent, c'est bien connu — dudit véhicule à celui ou celle qui le conduit. Robert va jusqu'à noter que le mot taxi s'applique à l'occasion au métier lui-même !

Cependant, c'est un autre type de métonymie qui obnubile aujourd'hui la profession : celle qui en viendrait à remplacer taxi par VTC.