Quand s'entrecroisent les voies
de la grammaire et de la politique...

< dimanche 20 décembre 2015 >
Chronique

Sur le terrain politique, la décision de Nicolas Sarkozy de rebaptiser son parti « Les Républicains  » n'avait pas fait, on s'en souvient, que des enthousiastes. Sur celui de la grammaire, le traumatisme n'est pas moindre.

Cette dernière a le mérite d'être claire : si la contraction de l'article avec la préposition qui le précède est proscrite pour les noms de famille (on parlera des œuvres de Le Nain, et non du Nain), elle est obligatoire pour les lieux (on doit, au Touquet comme aux Sables-d'Olonne, consommer des rillettes du Mans) et habituelle pour les titres (d'où l'auteur des Frères Karamazov).

Le nom d'un parti politique ne devrait pas, a priori, échapper à la règle. Or, depuis quelques jours, on nous écorche yeux et oreilles avec l'éviction de « la numéro deux du bureau politique de Les Républicains ». Passe pour la numéro, puisque Robert — toujours tendance ! — cautionne désormais cette horreur. Mais de les ? À ceux que choque cet attelage contre nature grammaticale, on explique que la neutralité oblige : dire et écrire « des Républicains », ce serait entrer dans le jeu pervers de l'ancien chef de l'État et laisser croire qu'il n'est de républicain que ce qui relève du parti qu'il préside !

Certes, à l'écrit, la majuscule fait opportunément la différence, en tout cas pour les lecteurs attentifs : elle rappelle que les Républicains doivent surtout ce titre au fait qu'ils se sont autoproclamés tels, qu'ils sont peut-être républicains, en effet, mais pas forcément et qu'en tout état de cause ils ne sont probablement pas les seuls ! Mais à l'oral ?

La solution semble bien être celle que préconisait Grevisse : ce grand amateur de règles conseille de recourir à ce qu'il appelle un terme « tampon », seul capable de concilier les obligations de la grammaire et l'intégrité du titre. Ce ne pourrait être, ici, que parti. C'est certainement la solution idoine, bien meilleure, quoi qu'il en soit, que les artifices typographiques actuellement à l'œuvre (guillemets, italique, etc.), leur efficacité, encore une fois, se limitant à l'écrit. Mais on sait que, dans nos médias, tout ce qui est susceptible d'allonger la phrase est regardé d'un œil torve : le « président du parti Les Républicains » risque donc de voir se mobiliser contre lui les forces vives de la concision, aussi sûrement que concurrents à la primaire !