Des homonymes...
comme s'il en pleuvait !
Il est toujours périlleux de s'aventurer hors des sentiers battus : des grêlons hors norme, comme ceux qui ont secoué l'Île-de-France il y a quelques jours, ça se compare à des « œufs de pigeon », un point c'est tout ! Pour avoir voulu renouveler l'image, une partie de la presse écrite s'est fourvoyée d'importance...
Lesdits grêlons ne se sont-ils pas vus assimilés en effet, en un premier temps qui devait probablement beaucoup à une dépêche de l'AFP, à des « balles de golfe » ? Par la suite, bien sûr, l'erreur a été prestement corrigée, du moins sur la Toile : on s'est vite avisé qu'il ne pouvait s'agir, si meurtrières qu'elles se fussent révélées, de celles qui s'étaient échangées entre G.I. et Irakiens, au plus fort des deux opérations menées contre Saddam Hussein. Mais le mal était fait. Et la preuve établie que le commun des Français éprouve au moins autant de difficulté à se retrouver dans la jungle des homonymes que les candidats de Koh-Lanta dans l'épreuve d'orientation finale.
Le commun, et même un peu au-delà : faut-il vraiment rappeler que le Thésaurus, dictionnaire analogique de la très sérieuse maison Larousse, a longtemps rangé les « golfs » dans le paragraphe qui regroupait... les caps, les lacs et les marais ? Simple coquille, il va sans dire. Mais elle démontre, s'il en était encore besoin, que les golfes de Charles Trenet ne sont pas clairs pour tout le monde. Mieux : elle en dit long sur les risques que nous font courir ces mots qui, pour se prononcer exactement ou sensiblement de la même façon, s'écrivent différemment...
Combien de fois, justement, le différend qui nous oppose à quelqu'un de notre entourage ne devient-il pas différent, sous prétexte que l'adjectif est autrement courant que le nom ? Combien de brocards nous aura valus un brocart mal écrit ? Combien de côtes et de tâches indûment coiffées d'un accent circonflexe nous auront fait perdre la cote et passer pour des taches ? Si nous sommes censés savoir que la personne raisonnable est sensée, ne trouvons-nous pas fréquemment l'un de ces adjectifs à la place de l'autre ?
Et l'on ne vous parle pas de cette pause trop prompte à prendre la pose, de ces cahots plongés à leur corps défendant dans le chaos, de ces repaires au cœur desquels nous perdons tout repère, de ces vis irrémédiablement attirées par le vice, du lourd tribut payé à la tribu, de ces termes lancés dans le grand bain des thermes, de cet acquit de conscience bien mal acquis, de ce fonds qui touche régulièrement le fond, de ces martyrs qui nous font endurer le martyre, de ce flan qui nous laisse sur le flanc, de ces grills qui nous mettent à l'occasion sur le gril, de cet accro qui subit maints accrocs, de ce bât qui connaît plus de bas que de hauts, de ce péché qui relève moins du pêcher que du pommier, de ce maroquin qui n'a plus grand-chose de marocain, de cette session trop encline à céder à la cession, de cet empreint à l'air bien emprunté, de ce héraut qui ne suffit pas toujours à faire un héros, de cette balade dont les moins poètes font toute une ballade...
Et comme si ça ne suffisait pas, l'homonyme est à l'image de Dieu : qu'on le soupçonne de ne point exister, on n'a de cesse qu'on ne l'ait inventé. Allez parler à la saynète de cette usurpatrice qu'est la « scénette », elle vous en dira des nouvelles !