Un dromadaire, ça trompe énormément !

< dimanche 10 février 2013 >
Chronique

En un mois, le temps d'une guerre éclair menée du côté de Tombouctou, le chef de l'État aura engrangé six points et un dromadaire.

Le regain de popularité n'est rien moins qu'une surprise. Certes, on s'est autrefois mépris sur le sens qu'il convenait de donner à l'adage latin « Si vis pacem, para bellum ». On a longtemps cru qu'il constituait un éloge de la paix armée. Qu'il incitait les peuples à montrer leur puissance de feu pour que nul ne soit tenté de leur chercher noise. En fait, nos dirigeants actuels ne s'y trompent plus et traduisent bien plutôt par : « Si tu veux qu'on te fiche la paix, ne te borne plus à préparer la guerre : fais-la ! » François Hollande n'échappe pas à la règle. Il ne lui aura pas fallu longtemps pour comprendre que s'il peinait à grimper dans les sondages, c'est que, jusque-là, il avait été injustement privé de désert.

Il est vrai que le bougre a été à bonne école. N'a-t-il pas souvent entendu François Mitterrand expliquer que, dans ce mano a mano pour la postérité qui l'opposait au général de Gaulle, il lui manquerait toujours, devant le tribunal de l'histoire, ce prestige que seul confère un conflit majeur ? Le lettré Nivernais ne pouvait ignorer, après Giraudoux et sa Guerre de Troie, cette « petite délégation » que les dieux sont censés donner aux hommes à l'instant du combat... Certes, il eut bien sa guerre en Irak, mais c'était là un minigolf(e) en regard des vastes greens de la Seconde Guerre mondiale !

Qui, d'ailleurs, pourra jamais oublier une Dame de fer ensevelissant la rouille du pouvoir sous le sable des Malouines ? Un George Deubeuliou Bush se découvrant une stature sur les gravats du World Trade Center ? Plus près de nous, un Nicolas Sarkozy plus inspiré dans la cour des Invalides qu'au Salon de l'agriculture ? Le seul, finalement, à avoir renouvelé le genre aura été, contre toute attente, le présumé rodomont Jacques Chirac, lequel dut sa popularité à... son refus de faire la guerre. Mais un refus martial, sur fond d'indépendance retrouvée et d'envolées villepinesques !

Le dromadaire, c'est autre chose : est seul à même d'en appréhender la portée symbolique le linguiste... Celui-ci vous apprendra, à l'instar d'Henriette Walter et de Pierre Avenas dans l'Étonnante Histoire des noms des mammifères (Robert Laffont), qu'à l'origine il ne se distinguait guère de l'éléphant, l'un et l'autre étant plus souvent qu'à leur tour confondus dans les pays du nord de l'Europe, où ils n'étaient connus que par ouï-dire : le vieil anglais olfend (« chameau »), pour s'en tenir à ce seul exemple, ne ressemble-t-il pas à s'y méprendre au grec elephas et à notre olifant — variante d'éléphant avant de devenir, par métonymie, le « petit cor d'ivoire » de la Chanson de Roland ?

Dès lors, on mesure mieux la pertinence du cadeau fait, la semaine dernière, à François Hollande : quand il n'aurait pas forcément lu Henriette Walter, ce dernier, pour avoir longtemps appartenu à la réserve, est mieux placé que quiconque pour savoir que les éléphants du PS, entre eux, se comportent à l'occasion comme d'authentiques chameaux !

Reste à savoir si, en président économe qu'il se targue d'être, il usera bientôt du quadrupède pour rouler sa bosse sur les pistes de France et de Navarre. C'est que le bestiau est réputé rapide (dromadaire, étymologiquement parlant, signifie « celui qui court »). De surcroît, voilà qui permettrait au chef de l'État de faire fi des quolibets qui accompagnent certaines de ses sorties : ne prétend-on pas que, quand les chiens aboient, la caravane n'en passe pas moins ?