La dictée, c'est comme de la salade...
Droit de raiponce
Rendons cette justice à Bernard Pivot : qu'elles aient ou non pour décor un haut lieu de l'art lyrique, ses émissions ne sont jamais chiches de coups de théâtre. Il arrive qu'il n'y soit pour rien, comme en témoigne l'irruption, ce samedi, d'intermittents du spectacle venus d'abord dicter, eux, leurs desiderata. Mais le plus souvent lesdits coups de théâtre sont par lui programmés, peaufinés, bichonnés comme autant de machines infernales qui, Vigipirate ou pas, éclateront, le moment venu, au nez de ses innocentes victimes. Pervers mais pas sadique, devait plaider l'animateur de Bouillon de culture... La formule, qui n'est pas sans rappeler le trop célèbre « Responsable, mais pas coupable », n'a que partiellement convaincu ! La dictée de cette finale étant signée de la main du maître, il n'était pas besoin d'être grand clerc pour deviner que quelques jeux de mots de derrière les fagots viendraient incendier un Opéra-Comique qui, il est vrai, a toujours été prompt à s'enflammer : si cette salle Favart est la troisième du nom, c'est qu'elle a déjà brûlé deux fois !... Et, de fait, on ne fut pas déçu. Le « Au diable, la varice ! » est bien, si l'on ose dire, de la même veine que ses illustres devanciers. Piège de sens, jubilait notre docteur ès chausse-trap(p)es... sans prêter outre mesure l'oreille aux médecins disséminés dans la salle, un tantinet sceptiques à l'idée qu'une varice pût faire grimacer de douleur... Encore n'avions-nous goûté là qu'au hors-d'œuvre, car on allait avoir droit, en guise de dessert, à une raiponce qui, ironie du sort, alimenterait bien des questions ! Peu s'en fallut, cette fois, que cette salade du chef ne fût rehaussée de tomates et que l'ambiance ne tournât à la vinaigrette... Mais il en faudrait plus pour désaxer un Pivot, lequel sait, en vieux renard des plateaux, que le succès de son émission passe désormais par ces convulsions hautement médiatiques, comme d'ailleurs par la présence des huiles du petit écran. Il reste à savoir si les candidats, las de toutes ces salades, accepteront longtemps encore de se faire assaisonner...