S'afficher en slip de bain,
est-ce vraiment culotté ?
Pour Marine Le Pen, la question ne se pose pas. Du moins quand, à l'instar de Boris Boillon, tout nouvel ambassadeur de France en Tunisie, on a l'insigne honneur de représenter son pays à l'étranger. Son Éminence — pardon, son Excellence — aurait fait preuve de beaucoup de légèreté en exhibant ses muscles sur le site Copains d'avant : de quoi se faire rayer des tablettes, fussent-elles de chocolat, ou du moins se prendre un coup de braguette sur les doigts !
Nous nous garderons bien de nous prononcer sur le fond, ce serait là nous aventurer hors de nos attributions. Laissons donc aux persifleurs patentés le soin de remarquer qu'en ces jours noirs pour notre diplomatie (MAMma mia !) il s'agissait peut-être de démontrer que celle-ci n'avait rien à cacher. La forme intéressera bien davantage le cartésien qui, atavisme hexagonal oblige, sommeille en chacun de nous : n'eût-il pas été plus culotté encore de paraître dans le plus simple appareil, c'est-à-dire... sans la culotte en question ?
C'est qu'il y a culotté et culotté. Celui dont parle Marine ne saurait se chanter sur l'air du Bon Roi Dagobert et a moins à voir avec la culotte qu'avec le culot, quand l'un et l'autre seraient issus, révérence parler, du même cul ! Mais d'où nous vient cette expression « avoir du culot » ? Selon certains, et parce que le mot s'est appliqué dès le XIIIe siècle à la « partie inférieure d'un objet », du fait qu'en être pourvu confère une bonne assise, aide à ne pas perdre l'équilibre. « Donne de l'aplomb », en quelque sorte, façon très voisine d'exprimer l'assurance excessive, voire l'effronterie. Mais pour d'autres, que cette interprétation fait littéralement fumer, il s'agirait là bien plutôt du culot de la pipe : comme le précise Alfred Delvau dans son Dictionnaire de la langue verte de 1867, le culotté serait celui qui est « aguerri, rompu au mal et à la misère — comme une pipe qui a beaucoup servi ».
D'aucuns, sans doute, jugeront cette étymologie tirée par les cheveux. Moins que celle, pourtant, de la locution synonyme « avoir du toupet » : on nous explique parfois que nous la devons aux bravi, ces tueurs à gages italiens du XVIe siècle qui, pour ne pas être reconnus quand ils perpétraient leurs crimes, rabattaient sur leur visage une grosse tresse. Voilà qui leur permettait déjà de « n'avoir pas froid aux yeux », au sens propre du moins, car au figuré il est à craindre que ces yeux-là ne nous ramènent à la case départ : l'œil a toujours désigné en argot, et avec plus ou moins de fondement, l'anus. Et quand on sait que, dans le langage des brigands du XIXe siècle, « avoir froid au c... » c'était « avoir peur », la boucle est bouclée !
Pour en revenir à notre apollon d'ambassade, rien n'a bien sûr filtré sur la réaction de l'Élysée. Mais, après la façon très... rachidienne d'évoquer l'inflation et les « empreintes génitales » de Brice, il ne nous étonnerait pas outre mesure que cette nouvelle incursion au-dessous de la ceinture eût valu à son auteur un remontage de bretelles en règle. Non que l'on fût particulièrement bégueule en haut lieu : le chef de l'État lui-même ne s'est pas toujours privé de nous faire admirer son corps d'athlète, pour peu que la gomme de Paris Match daignât en estomper les rares imperfections. Mais, en période préélectorale, il est des spectres dont on se passerait, et la... déculottée est sans conteste de ceux-là !