La parité,
nouvelle règle grammaticale ?
Le sacro-saint principe du « masculin qui l'emporte » aurait-il vécu ? Le Conseil supérieur de la langue française vient en tout cas de remettre au Premier ministre un rapport très attendu sur le nécessaire aggiornamento de notre grammaire. Est-il normal, en effet, s'indignent depuis longtemps les détracteurs d'une syntaxe « conçue par des hommes et pour des hommes », que, dans une société qui fait de la parité le quatrième pilier de notre temple républicain, notre langue persiste à s'appuyer sur des préjugés d'un autre âge ? Que la présence, quasi végétative, d'un seul nouveau-né mâle parmi une cohorte de « desperate housewives » oblige encore à mettre adjectifs, pronoms et participes au masculin pluriel ? La grammaire, reflet de la pensée, ne se doit-elle pas de lui montrer la voie ? À en croire certaines indiscrétions, la chose n'aurait pas même fait débat. On s'est seulement partagé sur les modalités. D'aucuns, partisans d'un électrochoc dans l'opinion et se réclamant de la « discrimination positive », se sont dits favorables à une inversion pure et simple de la règle : il suffirait désormais d'une jupette au Conseil des ministres — d'une « juppette » au conseil municipal de Bordeaux — pour que tous, ou plutôt toutes soient convoquées. Beaucoup ont pourtant objecté que troquer un arbitraire contre un autre n'était pas servir la parité et qu'il serait bien plus équitable de tenir compte des forces en présence : on continuerait à écrire, par exemple, des jurés de Nouvelle Star qu'ils se sont réunis (Marianne James étant la seule représentante du beau sexe au sein du quatuor) ; mais on écrirait désormais de professeurs, dans neuf conseils de classe sur dix, qu'elles se sont concertées, la gent féminine étant là surreprésentée. Voilà qui ne manque pas de logique, ont fait valoir d'autres sceptiques, mais quand le contexte ne permet pas de préciser ? De guerre lasse, les sages du Conseil supérieur se seraient finalement rangés à une proposition qui, pour en rabattre sur l'ambition première, a pour principal mérite d'être commode : le masculin gardera ses prérogatives les jours pairs, le féminin s'imposera les jours impairs (ils sont un peu plus nombreux dans l'année, ce qui, se réjouiront les perfectionnistes, présente l'avantage supplémentaire de traduire la situation démographique).
Surtout, que ceux qui auraient mordu à ce poisson d'avril ne rougissent pas : qui pourrait jurer qu'il en restera un longtemps encore ?