Harry Roselmack :
enfin la télévision couleur ?

< dimanche 20 août 2006 >
Chronique

On l'a dit et redit : ce fut une véritable révolution que l'irruption du fringant Martiniquais, cet été, sur la grande scène du vingt heures de TF1. Cela dit, c'en serait une autre — et tout aussi considérable, à n'en pas douter — que de régler la couleur au sein de notre lexique... Le moins que l'on puisse dire en effet, c'est que l'orthographe dudit mot, d'un ouvrage de référence à l'autre, est sujette... aux nuances ! Certes, on relève bien çà et là quelques signes de convergence. Quand il est employé, par exemple, comme épithète, le nom couleur est toujours invariable, qu'il signifie « qui restitue la couleur », comme dans notre titre, ou « de la couleur de » : des téléviseurs couleur, des écharpes couleur caca d'oie. L'invariabilité est encore de rigueur quand le nom couleur est précédé de la préposition de : des personnes de couleur, des vêtements de couleur. Sauf, ce qui nous paraît aller de soi, quand il est question de peinture : on ne confondra pas la boîte de couleurs chère à l'artiste avec la première boîte de couleur venue ! Le consensus, hélas, vole en éclats quand c'est la préposition en qui s'y colle. Chez Larousse, où l'on considère sans doute que la vie est trop courte pour s'habiller d'uni, c'est le pluriel qui s'impose, tant dans le Grand Dictionnaire des difficultés et pièges du français que dans les produits plus usuels de la gamme : on y parle de photographies, de films, d'illustrations, de télévision en couleurs. Seul le Larousse pratique joue les vilains petits canards puisque l'on y déniche, page 346, un film en couleur de bien curieuse facture ! Mais l'exception devient règle ailleurs et plus particulièrement chez Robert qui indique, pour sa part, que quand l'expression en couleur s'oppose à « noir et blanc », elle doit rester au singulier. Et de citer photo, carte postale, film, télévision en... couleur ! L'union sacrée ne se reconstitue que sur la locution haut(e) en couleur, « pittoresque, truculent », laquelle, de l'avis de tous, est vouée à l'invariabilité. Il n'empêche : on en viendrait presque à regretter le bon vieux temps du noir et blanc susdit ! En matière linguistique, toutefois, les âges d'or sont illusoires : celui-là ne nous obligeait-il pas à distinguer entre maillots noirs et blancs (certains étant noirs, les autres blancs) et maillots noir et blanc (où il entrait à la fois du noir et du blanc) ? Décidément, ce français nous en aura fait voir de toutes les couleurs !