Faute d'attention ou d'inattention ?

Il s'agit de faire gaffe !

< mardi 4 juin 1996 >
Chronique

En donnant pour seule correcte, dans notre jeu du 7 mai dernier, la solution faute d'inattention, et ce sans commentaire (faute de place !), nous nous attendions bien à quelques réactions de surprise... À la vérité, il y en eut beaucoup moins que nous ne le craignions : il fut une époque pas si lointaine, en effet, où la forme que nous préconisons était perçue comme un barbarisme. On entendit même hurler avec les loups des personnalités aussi incontestables que Bernard Pivot (lequel eût dû au préalable prendre l'avis de son collaborateur des Dicos d'or, Jean-Pierre Colignon, coauteur du Français écorché) ou encore, excusez du peu, l'académicien Alain Decaux. Sauf le respect que tout amoureux de la langue française doit à l'un et à l'autre, il nous faut affirmer ici qu'ils se sont fourvoyés.

Tous les grammairiens ou presque considèrent en effet aujourd'hui que faute d'inattention est de bon aloi, au même titre que faute d'étourderie. Le discrédit qui a trop longtemps pesé sur cette expression somme toute logique se fondait en réalité sur deux arguments contestables. Certains, d'abord, ont voulu y voir un pléonasme : faute traduisant selon eux un manque, ce ne pouvait être qu'un manque... d'attention ! Mais ce qui est vrai de la locution prépositive faute de (on ne peut qu'écrire : « Faute d'attention, il a échoué ») ne l'est pas forcément de la faute, laquelle ne repose pas exclusivement sur un manque : même si c'est plus rare, n'est-il jamais arrivé que l'on commît des fautes par excès d'attention ? Autre prétexte avancé par les tenants de la faute d'attention : il s'agirait d'indiquer, non la cause de l'erreur, mais le domaine où elle se produit. La faute d'attention ne serait pas plus incongrue, dès lors, que celle... d'orthographe ! Mais Hanse lui-même, s'il se fait un moment l'avocat du diable, juge plus simple de n'avaliser que la faute d'inattention. Pour couper court à toute confusion et... faute de mieux !