À Collioure, les ouailles n'en sont toujours pas revenues...
La (bien) bonne du curé
Vivre dans la lumière de Dieu n'empêcherait pas de péter les plombs : c'est en tout cas ce qui se murmure, depuis peu, aux abords de l'église de Collioure (Pyrénées-Orientales). L'histoire ne précise pas si le don Camillo local avait, l'autre dimanche, forcé sur les Panzani avant de monter en chaire. Toujours est-il qu'il ne s'y montra pas bonne pâte, fustigeant le comportement de ses ouailles, prenant même publiquement à partie certaines d'entre elles ! Un paroissien, surtout, dut boire le calice jusqu'à la lie. Enfin, c'est là façon de parler car l'infortuné s'entendit plutôt annoncer qu'il serait dorénavant interdit de communion, l'intransigeant curé se refusant à en gratifier quiconque menait ostensiblement — le fait est que tout le monde avait identifié le coupable — une double vie... Las ! cette brebis égarée là, qui n'avait visiblement rien d'un mouton, alla illico bêler du côté de l'évêché. La réaction de l'Église ne s'est pas fait attendre : consciente que cette Inquisition d'un nouveau genre était a priori peu faite pour repeupler les lieux de culte à l'heure de Téléfoot, elle a invité son trop zélé serviteur à prendre ses quartiers d'Ibère dans un monastère espagnol afin d'y soigner sa déprime... C'est égal, le chroniqueur du langage lui doit une fière bougie. En ces jours voués aux confiseurs, où traditionnellement l'actualité fait relâche, voilà qui lui permet déjà de rappeler, ce dont plus personne ou presque ne tient compte, que le prêche est protestant quand le sermon est catholique. Notre excellent confrère l'Indépendant a donc eu tort, stricto sensu, de titrer ainsi son article : « Le prêche du prêtre fait des vagues à Collioure ». Surtout, et parce qu'il importe de terminer l'année sur une note plus encourageante, l'anecdote met en valeur le louable œcuménisme du verbe prêcher. N'est-ce pas en effet un beau cadeau de Noël que ce verbe qui, indifféremment, peut s'employer de manière intransitive (prêcher dans le désert), prendre pour complément d'objet direct la matière du discours (prêcher l'Évangile) ou son destinataire (prêcher un converti) ? Et n'est-il pas réconfortant pour nos lecteurs de constater, au moment de recevoir les vœux que nous leur adressons pour la dixième année consécutive, qu'il existe encore dans notre lexique des verbes qu'ils puissent accommoder à toutes les sauces, sans craindre de voir un intégriste du langage venir (contexte oblige) leur casser... les burettes ?