Le niveau ne monte plus

Pourquoi Luc Ferry... ne rit pas

< mardi 4 juin 2002 >
Chronique

Mine de rien, c'est une révolution. Non que le nouveau ministre de l'Éducation nationale se soit montré, dans ses premières déclarations, d'une originalité fracassante. L'« urgence absolue » de la lecture à l'école avait déjà été évoquée il y a quelques mois par Jack Lang, dont on sait Luc Ferry très proche. Ce qui est nouveau, c'est cette volonté affichée de ne plus jouer les autruches. Le nouvel homme fort de Grenelle s'est explicitement référé à une étude de 1996 faisant état d'une réelle baisse de niveau depuis quatre-vingts ans. Et n'a pas davantage hésité à reconnaître l'effarante dégringolade des résultats en dictée : là où les élèves de 1920 faisaient cinq fautes, ceux d'aujourd'hui en feraient en moyenne dix-sept ! Voilà qui tranche sur l'angélisme officiel des décennies passées. Qui ne se souvient de cet ouvrage dont le titre proclamait, un brin provocateur, que le niveau montait ? Ceux qui criaient alors casse-cou étaient au mieux d'irrécupérables nostalgiques, au pis des intelligences à courte vue, incapables d'intégrer les formidables mutations d'un enseignement qui s'était démocratisé. « En comparant les performances en orthographe à différents moments du XXe siècle, écrivaient il y a quelque vingt ans Jeanine et Jean Guion, des Ateliers lyonnais de pédagogie, il n'a pas encore été possible de mettre en évidence de différence significative attestant une baisse de niveau, pour des populations d'élèves comparables. » « Il faut relativiser le prétendu échec de l'enseignement de l'orthographe, renchérissait Jeanne Vincent, du Syndicat national des instituteurs. Si l'on compare, comme l'a fait l'Institut national de la recherche pédagogique, les mêmes catégories d'élèves, on trouve le même niveau qu'il y a vingt ans. » Il faut croire que l'heure n'est plus à ces distinguos et qu'en disciple de Platon le ministre, quand il n'en connaîtrait pas encore les réponses, soit décidé à poser les bonnes questions. En tout cas, les jeunes finalistes des Dicos d'or scolaires, réunis ce samedi à l'École supérieure de commerce de Lille à l'initiative de l'Inspection académique et du Crédit Agricole du Nord, se seront tout d'un coup sentis moins anachroniques. Si la dictée n'est pas la panacée, force est d'admettre que nos docteurs ès sciences de l'éducation ne lui ont, pour l'heure, trouvé aucun substitut crédible...