L'accord du verbe avec son sujet
Mais oui ! la chose semble tellement aller de soi qu’elle a quelque peu déconcerté : le verbe s’accorde en nombre et en personne avec son sujet. En genre quelquefois aussi, dès lors que nous avons affaire à un participe passé construit avec l’auxiliaire être. Dans la phrase « Des moustiquaires ont été posées sur toutes les fenêtres de la maison », il faut encore savoir, pour ne point se méprendre sur l’orthographe de posées, que le sujet moustiquaire est du genre... féminin ! (À la réflexion, c’est assez normal, et vous pouvez vous servir de cette remarque comme d’un moyen mnémotechnique : il n’y a que les moustiques femelles qui piquent...) Mais savez-vous toujours qu’il convient de dire et d’écrire un apogée, un arpège, un astérisque, un effluve, un en-tête et un tentacule ? Qu’au contraire il vous faut absolument parler d’une acné, d’une anagramme, d’une azalée, d’une échappatoire, d’une écritoire et d’une urticaire ? Si vous n’êtes pas trop sûr(e) de vous, et plutôt que de jouer votre accord à pile ou face, interrogez plutôt le dictionnaire : c’est ainsi que l’on s’enrichit et, surtout, que l’on évite les fautes !
Cela dit, et au risque de vous surprendre, il n’y a pas que le genre qui puisse vous jouer des tours. Regardez, écoutez attentivement ce qui va suivre, et vous constaterez que, dans ce domaine comme dans tant d’autres, hélas, la langue française a justifié sa réputation et qu’elle ne s’est pas montrée avare d’exceptions...
Vous venez de le voir, les cas particuliers ne sont pas rares ! Encore peut-on s’estimer heureux chaque fois que la logique se trouve respectée. Il n’est pas anormal, après tout, que l’on se règle sur l’antécédent du pronom relatif pour déterminer la personne du verbe. Si nous écrivons « C’est toi qui l’a voulu » l’a, au mépris du bon sens qui veut l’as, eh bien c’est nous qui l’avons voulu... pour n’avoir pas pris la peine de réfléchir... De même, qui ne comprendrait que l’accord du verbe après deux sujets singuliers joints par ou dépende de la signification que l’on donne à la phrase ? Quand on affirme que « Marseille ou le PSG gagnera le championnat de France », le singulier tombe sous le sens : il ne peut y avoir qu’un vainqueur et un seul, et les accros du football savent bien que tout est prévu, dans ce domaine, pour qu’il ne puisse y avoir d’ex æquo. En revanche, il n’est pas illogique de dire ou d’écrire : « La chance ou le talent l’aideront peut-être à triompher ». Tout bien pesé, il peut entrer, dans quelque réussite que ce soit, de la chance et du talent, l’un n’excluant pas l’autre ! Logique encore, le fait que l’on ait souvent à tenir compte de la ponctuation pour choisir entre le singulier et le pluriel : une expression placée entre virgules, c’est un peu comme si elle était mise entre parenthèses, et il est compréhensible qu’elle n’ait, dès lors, aucune espèce d’influence sur l’accord... Fondée enfin, l’obligation que l’on nous fait de tenir compte du sens pour déterminer lequel, du collectif ou du complément, va déterminer l’accord du verbe : nous n’avons rien, Dieu merci, de machines et il est plutôt réconfortant de constater que la grammaire sait aussi, quand il le faut, faire appel à notre intelligence. En voulez-vous une preuve supplémentaire, dussions-nous pour cela anticiper quelque peu sur l’accord du participe passé ? Dans la phrase : « Le peu de conseils que vous m’avez donnés m’a permis de réussir », elle nous demande de considérer que le c.o.d. est conseils, autrement dit le terme positif, puisque l’entreprise a connu le succès ; en revanche, dans « Le peu de conseils que vous m’avez donné m’a valu de redoubler », on accordera donné avec le peu, le terme négatif, puisque l’entreprise s’est soldée par un échec. C.Q.F.D. !
Hélas, nous l’avons constaté une fois de plus, la logique ne triomphe pas partout. Quand notre acteur vous rappelle qu’après plus d’un, le verbe se met ordinairement au singulier, il met le doigt sur une des plus belles bizarreries de notre langue. En toute logique, plus d’un, ça fait au moins deux, et cela devrait, de ce fait, entraîner un verbe au pluriel. Il n’en est rien, on vous l’a dit, puisque la phrase « Plus d’un acteur a déploré la chaleur qui régnait sur le plateau » est parfaitement correcte. Le seul cas où le pluriel soit de règle est celui où l’action exprimée par le verbe implique une réciprocité : on est bien obligé de dire « Plus d’un acteur se jalousent », le singulier aboutissant à un non-sens dans la mesure où il est bien difficile d’être jaloux de soi-même ! Quand bien même le problème n’aurait pas été soulevé dans la saynète qui a précédé, ajoutons que le français ne fait pas davantage preuve de logique pour ce qui est de l’expression moins de deux : on dira, et tant pis pour le bon sens : « Moins de deux acteurs se sont déplacés » même si, à y bien réfléchir, moins de deux acteurs, ça ne peut guère en faire qu’un seul ! Cela dit, le charme de notre langue ne réside-t-il pas dans ces approximations et ces contradictions ? La grammaire n’est pas toujours une science exacte, il s’en faut, et la tradition, n’en déplaise aux esprits cartésiens que nous nous flattons d’être, a aussi son mot à dire !
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